Entretien avec Natalie Thibault
Exposée cette semaine dans la galerie de Karoo , la poète et collagiste québécoise Natalie Thibault lève un coin du voile sur ses secrets de fabrication. Bienvenue dans sa cuisine !
Comment en êtes-vous venue à la poésie et au collage ? Quelles furent les premières rencontres déterminantes (livres, images) ?
Je crois plus aux rendez-vous qu’au hasard. J’ai visité un ami qui faisait du ménage et suis revenue chez moi avec trois grosses boîtes de magazines
Photo
des années 1970 à 1980. J’ai plongé avec mes ciseaux dans une période où je n’écrivais plus.
Je connaissais des poètes qui ont fait de collages, dont Jacques Prévert, et j’aime beaucoup la plasticienne allemande Hanna Hoch.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans la pratique du collage (plutôt que le dessin, la photo ou tout autre mode d’expression visuelle) ?
Je n’ai aucun talent pour le dessin. J’aimais la photographie, le noir et blanc et l’époque des chambres noires à l’école. J’ai fait quelques sculptures avec du métal recyclé mais ça demande un espace que je n’ai pas.
Où puisez-vous les matériaux de vos collages ?
J’aime mettre la main sur des
National Geographic
des années 1940 et 1950, quand on retouchait les images avec de la couleur. Je n’achète jamais de magazines neufs. Je m’approvisionne dans les ventes de sous-sols d’églises, les ventes de garage, les poubelles, et même dans les salles d’attente. Il m’arrive de partir avec une page d’un magazine (chut !).
Quand vous commencez un collage, avez-vous une idée de ce que vous aimeriez réaliser ou vous laissez-vous porter par les images ?
Mes premiers collages avaient l’air d’une pizza toute garnie : il y avait trop d’images. J’ai commencé à pratiquer une forme de haïku visuel. Avec peu, j’essaie de rendre quelque chose. Je n’ai pas de plan de départ. Quand je trouve une image belle, inspirante, je me laisse aller à faire des assemblages (parfois très longs). Je transpose souvent mes états d’âme. Je pense que mon travail me ressemble tout comme ma poésie. Je suis une personne visuelle, chaotique et parfois surréaliste. Mon travail m’aide à mettre de l’ordre dans mes désordres. Quand je fais des collages, je ressens le même élan que lorsque j’écris. J’aime donner une autre identité aux images, une suite avec un peu de sarcasme et d’espoir avec de la colle en bâton sur un papier carton.
Il y a une parenté entre vos collages et vos poèmes. Des matériaux « simples » (les mots de tous les jours, des images a priori banales) dont la collision créera un petit choc, une image neuve, inattendue, souvent teintée d’humour ou d’étrangeté. Faites-vous un lien entre ces deux pratiques ?
Mon quotidien, souvent banal, me donne beaucoup de travail !
(sourire)
.
Qu’est-ce qui a guidé le choix des collages accompagnant votre deuxième livre ? Est-ce que poèmes et collages s’élaborent de concert, ou les collages sont-ils choisis après l’écriture des textes ?
J’ai envoyé une série de collages avec mon manuscrit
Comme un papillon avec une aiguille dans le cœur
. J’ai suggéré à mon éditeur de mettre quelques collages dans le recueil. C’est lui qui a choisi les collages, et je suis ravie du résultat. Il y a eu une même longueur d’ondes, je pense.
Retrouvez Natalie Thibault dans la galerie de Karoo , et ses deux livres aux éditions L’Oie de Cravan .
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