Festival Passa Porta 2015
Ancienne journaliste littéraire au Soir Adrienne Nizet est comme un poisson dans l’eau à Passa Porta. À l’aube de la cinquième édition du festival du même nom, Karoo a donc rencontré la toute nouvelle directrice de son aile francophone.
Adrienne Nizet, ça fait quoi d’être de l’autre côté du micro ?
C’est très particulier. Mais au-delà de juste assurer la communication de Passa Porta, j’ai été surprise par la diversité des tâches à réaliser : choisir qui va chercher tel auteur à la gare, sélectionner des extraits de textes, réfléchir à la communication Facebook d’un évènement, gérer des budgets, prospecter pour l’année prochaine… C’est le grand écart permanent. J’avais déjà une bonne idée de ce qu’était le travail de programmation, mais aucune sur ce qui en découlait. C’est comme apprendre un nouveau métier. Heureusement, après avoir passé tant de temps au service littéraire du Soir, je connaissais déjà bien le milieu… mais peu les fonctions au sein de celui-ci. Cette diversité, c’est une très bonne surprise !
Passa Porta est une asbl bi-communautaire : un statut très original, même à Bruxelles ?
En effet, il n’existe que trois structures bi-communautaire : le Kunstenfesivaldesarts, la Zinneke Parade et donc Passa Porta. C’est rare parce qu’en Belgique, la culture est, structurellement j’entends, toujours une matière communautaire. Il y a donc en Belgique deux rapports à la culture assez différents. Je pense que c’est très riche qu’ils puissent se rencontrer ici, à Passa Porta, à Bruxelles. C’est facile à comprendre, mais il faut l’expliquer sans cesse. Beaucoup ont cru que je quittais
le Soir
pour travailler dans une librairie néerlandophone. C’est tout à fait tronqué. Passa Porta, ce n’est pas la librairie. La librairie, c’est une sprl, et Passa Porta, ce sont deux asbl1
qui ensemble forment la maison des littératures. C’est vrai, Entrez-lire reçoit moins de subsides que Het Beschrijf, mais ça ne signifie pas du tout que cette dernière monopolise les projets. D’ailleurs, en interne, on ne se pose pas la question de savoir de quel côté on travaille. La règle ici est de parler sa langue maternelle. Et ça ne pose aucun souci.
Vous êtes arrivée en janvier et trois mois plus tard, le festival commence. C’est rapide pour prendre ses marques ?
Oui, mais c’est une super entrée en matière, on a dû immédiatement foncer dans le boulot avec l’équipe. Un départ sur les chapeaux de roues. Du coup, la programmation est clairement celle de mon prédécesseur, Stéphane Lambert. J’ai concrétisé certaines choses, mais les pistes avaient déjà été lancées. Évidemment, c’est un peu frustrant de récupérer le travail d’un autre ; mais c’est aussi un très beau cadeau parce qu’il s’agit d’une super programmation ! Je ne suis pas en porte-à-faux par rapport à ce qu’avait prévu Stéphane Lambert, donc c’est un plaisir de soutenir, de défendre ou d’assumer cette programmation.
Pouvez-vous nous dire un mot du thème choisi cette année ?
Now & Then
, c’est envisager les rapports qu’entretiennent la littérature et le temps. Particulièrement ce que la littérature permet face au temps. Elle est capable d’inventer le futur, d’expliquer le présent et de réécrire le passé. Nancy Huston se dédouble pour s’adresser au fœtus qu’elle était dans le ventre de sa mère, Dany Laferrière, lui, ralentit le temps. Éric Reinhardt mélange carrément les époques… C’est un thème très vaste puisque le temps, c’est aussi notre époque : l’actualité en fait partie intégrante. C’est la raison pour laquelle Joris Luyendijk viendra parler de son dernier livre et de notre système bancaire et financier malade.
Comme les autres festivals, Passa Porta peut compter sur des locomotives pour attirer le public et sur des rencontres plus confidentielles et inédites qu’il faudra découvrir. Quelles sont les unes et les autres ?
Les deux têtes d’affiches seront sans conteste J.M.G. Le Clézio et Ian McEwan. Les trois soirées à Bozar, au Botanique et à Flagey devraient aussi attirer beaucoup de monde. Mais il faut voir ce qu’on entend par locomotive. On aime ou on n’aime pas Frédéric Beigbeder, mais c’est indéniablement un auteur populaire qui attirera beaucoup de monde. Dans le parcours Passa Porta, la rencontre entre Lydie Salvayre et Antoine Volodine autour de leur prix2
est inédite et donc exceptionnelle. Hubert Reeves nous fait aussi l’honneur de sa présence.
Parmi les choses moins attendues, les lectures de livres qui ont été interdits en Occident au Goupil Le Fol et les lectures dans des salons-lavoirs devraient être des moments intéressants. Il y a aussi Julia Kristeva qui va célébrer les 500 ans de la naissance de Thérèse d’Avilla. À ce propos, on a d’abord cru qu’on s’adresserait à une niche, avant de se rendre compte qu’il y a un vrai public pour ce genre de manifestation.
L’une des grandes nouveautés de cette édition, ce sera le festival pour enfant. Il y a toujours eu quelques activités pour les enfants, mais cette fois c’est un vrai petit festival dans le festival. Il suit la même logique que celui des adultes : il est plurilingue et basé sur la littérature de qualité. Il est également composé de lectures et des rencontres multilingues. Et puis n’oublions pas que tout le festival sera l’occasion de découvrir des auteurs de l’autre communauté.
À l’issue de ce premier festival pour vous, quelle pourrait être votre plus grande source de satisfaction ?
Le public évidemment ! Je ne doute pas de la qualité du programme : on connait celle des auteurs, celle des modérateurs et celle des lieux qui nous accueillent. En termes d’organisation, le festival est fin prêt. Il ne manque donc plus que le public pour que ce soit parfait. Il y avait 8 000 participants il y a deux ans lors de la dernière édition et ce serait formidable, si la météo le permet, d’atteindre les 10 000 pour ce cinquième festival Passa Porta.
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