Furieuse de Mathieu Burniat et Geoffrey Monde
Une relecture loufoque et féministe du mythe arthurien

Et si les contes de notre enfance étaient réécrits avec un regard plus moderne et un humour caustique ? C’est le pari qu’ont fait Mathieu Burniat et Geoffroy Monde en publiant Furieuse chez Dargaud, un récit d’aventure décalé qui revisite le mythe du roi Arthur à coup de féminisme et d’humour noir.
Le genre heroic fantasy fait partie intégrante du paysage de la bande dessinée franco-belge. Avec Trolls de Troy, Donjon (du duo Trondheim et Sfar) qui compte 65 albums à son actif, ou encore Thorgal, l’offre ne manque pas. Pourtant, ce n’est jamais un genre qui a m’attirée en tant que lectrice de bande dessinée, probablement à cause de ce côté « BD de papa » plutôt daté. Ces dix dernières années, un vent nouveau semble souffler sur le genre du neuvième art. Côté manga, des titres comme Gloutons et dragons, Frieren ou Soara et les bâtisseurs fantastiques nous proposent de la fantasy feel good, où l’amitié et l'introspection passent au premier plan devant les combats.
Dans le cas de Furieuse, les auteurs relèvent le défi de moderniser le célèbre mythe arthurien. Ils nous proposent une relecture déjantée et féministe de ce dernier à travers les yeux de la fille du roi Arthur. Le récit rythmé, loufoque et cru nous emmène au royaume de Pendragon, fief du roi. Loin semble le temps où ce dernier régnait glorieusement sur son royaume. Désormais amorphe et accro à la boisson, Arthur délaisse ses sujets.
L’album nous transporte aux côtés de sa fille cadette, Ysabelle, dont la sœur aînée, Maxine, a fui le royaume seize ans plus tôt. L’unique perspective d’avenir d’Ysabelle est un mariage arrangé avec un baron aussi ridicule qu’égocentrique, le baron de Cumbre. La veille du mariage, alors que la jeune femme prépare sa fuite, l’épée magique d’Arthur la convainct de l’emmener avec elle.

Débute alors le périple d’Ysabelle à la recherche de sa liberté dans un monde où le destin d’une femme se limite au choix d’être princesse, prostituée ou sorcière. Bercée d’idéaux, la jeune femme va vite se retrouver face à une réalité bien plus sordide que la vie au château. Ysabelle part à la recherche de Maxine, sa sœur aînée fugitive. Depuis des années, cette dernière envoyait à sa cadette des lettres lui racontant sa vie de noble baronne ayant fait fortune dans le commerce.
Côté graphique, les personnages sont ronds, « colorés », un peu enfantins, à l’opposé du récit qui peut être cru, voire dégoûtant par moments. Les couleurs sont vives, presque fluorescentes (l’héroïne a la peau rouge, celle de son père est violette) et guident la narration. Au début du récit, lorsque Ysabelle déprime au château alors qu’on la prépare pour son mariage arrangé, tout est beige et sobre. Au fur et à mesure que l’aventure progresse, le ton des cases se réchauffe, oscillant entre des explosions roses, vertes ou bleues qui accompagnent les combats et pétages de plomb de l’héroïne.

La galerie de personnages qui entourent Ysabelle est tout aussi bigarrée que les cases du livre. Il y a Arthur, le roi déchu, désormais alcoolique et incontinent. Le baron de Cumbre, futur mari d’Ysabelle, est sournois, prétentieux et très égocentrique. L’épée, qui possède une personnalité propre, est une protagoniste à part entière. Est-elle une alliée ou une ennemie ?
Furieuse réussit à nous divertir tout en suscitant la réflexion. Un récit rythmé, loufoque et cru, réservé aux lecteurs adultes malgré ses illustrations rondes. Le duo Mathieu Burniat et Geoffroy Monde parodie avec brio le genre heroic-fantasy en armant ses personnages de répliques sanglantes. Les 226 pages défilent à une vitesse effrénée et plusieurs retournements de situation surprennent agréablement ma lecture.