Here we are! Women in design 1900 – Today
une exposition qui met en valeur l'impact des femmes
Here we are! Women in design 1900 – Today est une rétrospective sur 120 ans du design qui reprend les créations d’environ quatre-vingts créatrices. L’exposition, qu’on peut retrouver au Design Museum à Bruxelles jusqu’au 9 mars 2025, nous propose un point de départ dans un contexte sociétal où les femmes n’ont pas de pouvoir de décision sur le droit de vote et se termine dans nos sociétés modernes.
Avant toute chose, quelle est la définition du design ? D’après l’École du design, « C’est une culture et une méthode stratégique de résolution de problèmes qui favorise l'innovation, la création de valeurs et de liens, en permettant une meilleure qualité de vie pour tous et chacun, en produisant des produits, systèmes, signes, espaces, interfaces, services et expériences innovants ». Pour reformuler, il s’agit d’une discipline qui vise à offrir des solutions, matérielles ou idéologiques, innovantes qui permettraient une meilleure qualité de vie.
Deux flèches avec l’inscription Here we are! nous invite à entrer dans l’exposition, des portes en verre s’ouvrent automatiquement et je découvre des affiches de campagnes menées par des femmes datant du XIXe siècle et des manuels de décoration d’intérieur. Ces ouvrages sont réalisés par des artistes dont je n’ai jamais entendu parler. Pourtant, ils sont décrits par le Vitra Museum comme étant pionniers de leur genre. Un de ces livres est consacré à la création DIY, inventé par Louise Brigham et offre aux personnes moins avantagées la possibilité de personnaliser leur intérieur.
La disposition du lieu est structurée de manière chronologique et est divisée en quatre parties : le droit de vote, l'industrialisation, le modernisme et l’innovation. Tout le long de l’exposition, on nous invite à retracer l’impact des femmes dans le design en veillant à mettre en avant les créatrices qui n’ont pas toujours reçu la reconnaissance qu’elles méritaient. En effet, la formation et la professionnalisation des femmes n’allaient pas plus loin que vers des métiers typiquement « féminin » , c'est-à-dire les travaux de broderie, le dessin et l’artisanat. Le design de meubles et l’architecture étaient réservés aux hommes. L'institution renommée d'art appliqué, de design et d'architecture, l'école du Bauhaus, est probablement le meilleur exemple de cette inégalité du XIXe siècle. C’est une des raisons qui a poussé à la création de Lohenland, une école de design accueillant uniquement les femmes.
Sur le plan professionnel, on peut citer l'exemple de Lilly Reich, artiste allemande du modernisme née en 1885 à Berlin et morte en 1947. Elle collabore avec son mari Ludwig Mies. Comme de nombreuses artistes féminines, elle est liée à son compagnon. Cela s'explique par l’absence de légitimité des œuvres féminines. Ainsi le nom de Ludwig sera majoritairement inscrit sur leurs créations communes, comme si Lilly n’avait pas participé aux projets.
Dans la salle centrale, du mobilier a été mis en évidence sur une plateforme. Canapé par Lilly Reich, chaise de Clara Porset, fauteuil de Charlotte Perriand, vaisselles de Aino Aalto et catalogue Knoll… Une collection qui illustre parfaitement ce que le design englobe. Il est important de reconnaître que ces créatrices ont joué un rôle essentiel dans le modernisme du design d'intérieur.
Il aura alors fallu 120 ans et plus de 80 exemples pour démontrer que les femmes ont eu leur rôle à jouer dans l’innovation. Au-delà du fait que cela constitue une compilation très riche cela m’a semblé être beaucoup. En effet, dans d'autres cas pour parler d’un mouvement ou d’une discipline, on utilisera moins de personnalité pour être plus général. Ici, la quantité d’artistes donne de la consistance et des exemples mais essaye également de prouver l’importance de la femme dans ce domaine.
En parallèle, le Design Museum nous propose une exposition complémentaire, Untold Stories, qui retrace le travail des femmes dans le domaine du design en Belgique. Malgré sa courte durée, cette exposition bonus permet de mettre l'accent sur une dimension locale, mais surtout de rendre compte et de rendre hommage à des artistes qui ont été oubliés pendant longtemps, que ce soit par l'histoire (patriarcale) ou par la technique (travail en coulisse).
La dernière pièce représente nos sociétés modernes avec l’innovation et la recherche, ainsi que les nouveaux mouvements sociaux féministes qui découlent des premières campagnes menées par les femmes et qui utilisent le design comme moyen de communication. J’ai trouvé cette salle très importante lors de ma visite et je trouve que l’avoir mise à la fin du parcours ajoute plus de profondeur. En effet, comme mentionné précédemment, l’exposition est chargée de noms et d’informations sur des artistes variés où leur impact me semble moins imposant. Dans cette partie, qui représente « Today », on nous montre les avancés technologiques et durables avec les panneaux solaires de Marjan Van Aubel et la collection d’objets faits à partir d'algues de Julia Lohmann. Mais également des actions sociales menées comme le « Pussy hat », un bonnet à confectionner en DIY qui permet aux femmes de manifester contre la misogynie de Trump. Ici, on souligne que le design peut être une force pour soutenir des valeurs culturelles et écologiques, ce qui d’après moi offre une dimension plus engagée.
Enfin, l'exposition Here We Are! Women in Design 1900 – Today se présente comme un projet indispensable et ambitieux, à la fois par sa diversité et par sa mission de réévaluer la position des femmes dans l'histoire du design. Toutefois, cette réflexion rétrospective pose des interrogations plus étendues quant aux efforts déployés pour rectifier les erreurs du passé et à l'impact de la reconnaissance culturelle. En d'autres termes, avant de proposer une exposition sur des créations féminines, on nous offre un message plus profond qui vise à rectifier la négligence de l'exposition des créatrices par le passé et à redéfinir l'influence des femmes dans cette discipline.