critique &
création culturelle

La Machinerie des Airs de Roxane Rajic

Performance onirique d’un « été » bruxellois

C’est lors de l’exposition des jurys de céramique du master 2 de La Cambre La Cendre des Héléades que Roxane Rajic a ensorcelé l’espace en animant ses objets mélodiques et hors du temps. Retour sur cette performance qui s’est déroulée au MAD du 20 au 23 juin.

C’est lors d’un des rares samedis ensoleillés de l’été que je me suis rendue au MAD. Au premier étage, Roxane Rajic, entourée des sculptures qu’elle a imaginées tout au long de l’année, accueille les spectateur·ices. Enveloppés dans la scène, iels sont invité·es à se positionner en arc de cercle. Les objets sont éparpillés dans l’espace, amoncelés, dans l’attente que quelqu’un vienne les activer. Au premier plan, une série de sculptures aériennes, fragiles et articulées, est suspendue à un portique : ce sera le monde de l’air. À gauche, une colonne de jarres, sablier auquel on aurait substitué l’élément principal, s’animera grâce au doux bruit de l’eau. À droite, des flûtes enchantées émergent d’une pierre ovale et murmureront sous le souffle du vent. Enfin, à l’arrière de la pièce, une cheminée alambiquée pourrait bien s’animer au contact du feu.

(c) Sarah Kerlovéou

À l’exception de la cheminée (il s’agit tout de même de ne pas faire cramer le MAD), Roxane active ses sculptures tour à tour. Dans cet univers à la lisière du musical et du végétal, le spectateur est rapidement envoûté. Loin des publics captifs des salles de théâtre, il est libre de ses mouvements.

Peu à peu, les instruments prennent vie sous les doigts de fée de Roxane et créent une boucle sonore à laquelle s’ajoute chaque machine nouvellement mise en mouvement. C’est comme une balade, une danse, un canon, une transe. Le temps est suspendu, si bien que la performance, à la manière d’une rêverie, aurait pu durer une seconde comme une nuit.

Dans ce monde imaginaire, la technologie n’a que peu de place (si l’on oublie les quelques pédales et micros de l’installation). On se trouve dans un environnement articulé de mécanismes simples, presque empiriques. On laisse notre esprit virevolter au son des instruments qui s’entrechoquent et qui semblent n’appartenir à aucune époque historique précise. Le temps ralentit peu à peu, loin du tumulte qui règne dehors et on se laisse bercer par ce laboratoire à ciel ouvert où la sculpture cède la place au conte sonore.

L’installation se substitue au discours des jurys habituels, tant l’expérience prime sur l’objet créé, bien que la technique soit également au rendez-vous. Certains objets sont tournés, d’autres montés au colombin1, et laissent penser qu’ils ont subi une diversité de cuissons (raku, four électrique, etc.).

 

Mention spéciale pour les émaux de Roxane. Appliquées à la poire, les couleurs pastel se mêlent aux couleurs naturelles, créant un univers onirique propre à l’artiste.

Merci pour ce beau moment de poésie.

Sarah Kerlovéou

La Machinerie des Airs

Roxane Rajic 

MAD

Vu le 22 juin 2024

Visible jusqu’au 23 juin 2024