La Main
Une poignée de main révélatrice
Après plusieurs courts métrages horrifiques sur leur chaîne YouTube « RackaRacka », les frères australiens Philippou (Danny & Michaël) réalisent leur premier long métrage. La Main pointe du doigt la détresse que peut parfois subir la jeunesse actuelle et la manière dont celle-ci est maniée.
À la poubelle la planche poussiéreuse Ouija et bienvenue à La Main en plâtre, un nouveau jeu qui permet de communiquer avec les esprits. En tenant fermement La Main, le joueur se retrouve face à une personne décédée. Dès qu’il a prononcé les mots « parle-moi » en serrant la main, le joueur est possédé par le mort en question.
Comme pour tous les jeux, il y a toujours des règles à respecter sinon tout le monde gagnerait. Ici, la règle consiste à ne pas garder en main l’objet plus de 90 secondes. Le délai dépassé, on enfreint la règle et on donne l’opportunité aux esprits d’entrer dans le monde des vivants. Pour la protagoniste Mia, l’effet de groupe engendre une désillusion croissante. Renfermée sur elle-même, elle ne correspond en rien à leurs standards. Elle préfère observer que participer aux différentes activités proposées par la bande.
Quelques mois auparavant, la mère de Mia meurt mystérieusement. Tant bien que mal, elle dissimule sa douleur et sa tristesse : elle a du mal à exprimer son chagrin. Jusqu’au moment où elle intercepte une conversation dérangeante sur elle entre sa meilleure amie et une personne de la bande. Mia souhaite dès lors s’intégrer au cercle d’amis quitte à sacrifier ce qui compte réellement pour elle.
Pour se conformer au diktat actuel du groupe, elle accepte donc de se prêter au jeu de La Main. Après deux essais, elle se retrouve face à l’esprit de sa mère. Chamboulée par l’apparition de cet être aimé, elle perd ainsi pied et reste plus de 90 secondes face à ce fantôme. Par cet acte, Mia transgresse la seule règle du jeu et entrouvre la porte aux autres esprits.
Au lieu d’utiliser le traditionnel jump scare ou coup d’effroi dans le but d’effrayer les spectateur·rices, les frères Philippou vont se servir d’un tout autre moyen qui est plus psychologique. Effectivement, certains personnages vont perdre la tête. Mia tourbillonne entre ce qui est réel et ce qui est fictif, le même dilemme que proposent les réseaux sociaux et la drogue.
Une jeunesse décérébrée qui n’a aucune conscience du danger et des limites qui les entourent. Seules des figures monoparentales sont présentes dans le film. Et dès qu’on les aperçoit, ces parents s’inquiètent seulement pour des choses anodines, superficielles… Une combinaison exemplaire de la difficulté d’être compris dans une société qui n’écoute plus. Cela pousse cette nouvelle génération vers un besoin de sensations extrêmes et de voyeurisme malsain. En effet, tout est filmé pour être affiché ensuite sur les réseaux sociaux. Telle une drogue, La Main permet de vivre des émotions hors du commun. Plus qu’une représentation, c’est une allégorie de la dépendance aux stupéfiants.
Sophie Wilde interprète à la perfection le rôle de Mia. Ses sentiments nous habitent tout au long du film de telle manière qu’on éprouve son désarroi. Dès l’instant où elle est possédée par le premier esprit, ses expressions et son maquillage sont tellement réalistes qu’on vit la scène avec elle.
Bien qu’on aimerait en savoir davantage sur l’apparition soudaine de cet objet spirituel, ce premier long-métrage des frères Philippou est très poignant. Un film d’horreur qui traite de problématiques tragiques telles que les deuils impossibles ou les pathologies mentales et/ou physiques.