Le destin de Romulus Augustulus
Avec ses Tablettes d’Oxford , Jean-Luc Wauthier nous promène sur les traces d’un Romain du VIe siècle. Et sur les décombres d’un empire qui paraissait éternel…
Ce livre commence bien. Par un clin d’œil aux supercheries littéraires du XIXe siècle. Qui me sont particulièrement chères. Celles des Mérimée et autres Luchet, celles qui nous ont offert les ingrédients d’un des plus beaux romans d’aventures, le Comte de Montecristo. Cette ambiance entre rêve et réalité, reconstitution soigneuse et mensonge. Et puis par un second clin d’œil. À une œuvre remarquable, les Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar. C’est qu’il est question ici de ressusciter aussi de pseudo-mémoires d’une figure romaine, impériale. Un Romulus Augustulus, fils d’un certain Oreste, pas celui des pièces fameuses, non, un ancien secrétaire d’Attila, qui aurait joué un rôle crucial lors d’un des moments de bascule les plus coperniciens de notre histoire, la fin de l’Empire romain d’Occident, vers 476.
Allons-nous vivre une épopée pleine de sang, de bruit, de fureur ? Non. Du tout. L’auteur, un poète, évacue ce qui aurait pu s’avérer un univers fictionnel luxuriant, il en conserve quelques échos, des points de repère, mais son propos est autre. Nous narrer la destinée d’un empereur qui n’aura régné, fort jeune, que quelques mois, marionnette entre les mains de son père (sorte de maire du palais qui rappelle le règne des Rois fainéants). Privé d’un destin grandiose mais épargné. Substituant à la page des ors et paillettes une vie en contrepoint, toute à ses amours pour une ancienne esclave. Notre auteur en tire des réflexions sur le bonheur, le sens de la vie. Que j’aurais tendance à partager. Nous présente des personnages attachants. Qui plus est, dans une langue travaillée.
Mais. Le charme, réel, du récit, subit le contrecoup des excès de restitution. Et le style général s’accommode mal d’écarts inattendus. Qui ne se limitent pas à des anachronismes comme « tout de go » ou « grognon ».
Mise en abyme à la page 102. Où une phrase joliment troussée (et philosophique) se décolore soudain :
Ainsi, tandis qu’avec Amélia je me promenais dans les jardins enchantés du palais napolitain, pendant que, la nuit, nos corps mêlés haletaient de plaisir et que, insensiblement, l’amour m’éloignait des sirènes du pouvoir, lui, mon soi-disant vainqueur, se débattait contre les armées puissantes et cruelles de l’Empire d’Orient, vivant en quasi reclus, obsédé par la crainte d’un assassinat dont il finirait par être la victime, comme si la Mort, prédateur inlassable, l’avait longuement guetté avant de le jeter au sol au moment où, un instant, il avait été absent de lui-même.