Le documentaire
Je ne sais pas si vous êtes au courant mais désormais vous allez le savoir, Bruxelles trou à rats ? , film d’atelier réalisé par et avec les élèves du collège Roi Baudoin a été sélectionné dans le cadre d’un concours vidéo organisé par le Centre Audiovisuel de Liège.
Au-delà d’une réponse faite à Trump, qui avait parlé de Bruxelles comme
d’ « un trou à rats où les musulmans ne sont pas parvenus à s’intégrer », cette vidéo est l’aboutissement d’une rencontre et d’échanges là où les bancs d’école ont stimulés mille et une idées mêlées de rires, de râleries, d’accords et de désaccords, d’éveils et de découvertes… Mais découverte de quoi finalement ?
Une découverte de Bruxelles, et ceci à travers les yeux d’une jeunesse teintée d’une richesse qu’il serait inconcevable de leur retirer, voire de critiquer. Cette richesse, c’est leur mixité, et en un mot, leur identité.
Ce fut donc la joie et l’enthousiasme lorsque l’on a appris que Bruxelles trou à rats ? allait recevoir un prix. Un mardi après-midi, le 26 juin plus précisément, jour où les anciens apprentis cinéastes ont abandonné leur cours ou leurs boulots afin de savourer le velours des sièges de la Fédération Wallonie-Bruxelles (lieu de la cérémonie) et de goûter, ne serait-ce qu’un temps, le privilège d’avoir les félicitations et les encouragements d’un jury professionnel et expérimenté.
Or, nous avons reçu non pas un « prix » mais une « mention spéciale » dans la catégorie documentaire :
« Pour l’inventivité et la créativité du document, la prise de parole de jeunes, leur souci de passer du stéréotype à la réalité de la mixité sociale de leur lieu de vie. »
Cette considération nous a touché mais nous laisse un goût amer. Une mention spéciale mais pas de prix, et pour quelles raisons ?
Sauf erreur de ma part, le jury a considéré qu’un film documentaire ne pouvait pas recevoir de prix au même titre que les films de fiction car il ne s’agit pas de Cinéma mais d’une simple source d’information.
À ces mots je m’interroge en tant qu’animateur cinéma : c es critères de sélection sont-ils en lien avec les jeunes ? Sont-ils en lien avec les valeurs qui me pousse à me lever le matin ou un mardi après-midi ?
Je vous laisse imaginer le désarroi des élèves qui se sont déplacés à une cérémonie, face à un jury expérimenté, professionnel, à des personnes issues du « monde du cinéma », et qui voient leur travail rabaissé car il n’est pas reconnu par le « milieu »…
Le « milieu » doit être un pont et pas une faille. Ce jour-là les mots du jury ont enfermé, étouffé la volonté et l’espoir des jeunes d’obtenir une reconnaissance. Parce qu’une chose est certaine : le documentaire, c’est du cinéma, c’est une fenêtre ouverte sur le monde, et bien plus qu’une simple source d’information, il permet de nous questionner, d’interroger la place qu’on a dans ce monde. Plus encore, le documentaire possède une force, une véracité, une sincérité d’autant plus fragile et enrichissante lorsqu’elle est portée par une équipe de non-professionnels, a fortiori par une jeunesse qui découvre la création cinématographique pour la première fois.
Oui ! Le cinéma peut être aussi un moyen d’expression, un outil qui permet de se découvrir soi-même et de retranscrire une parole, celle de jeunes, constamment immergés dans les images. C’est pourquoi il est important de ne pas se cantonner à des étiquettes qui mettent à mal ce langage artistique. Tout comme il est important d’éduquer les jeunes à l’image : mais pour cela, il faut peut-être les écouter et les soutenir à travers une vision ouverte du cinéma !
Sur ces belles paroles exaltées et révoltées se cache le regard d’un animateur de cinéma perplexe. Cette cérémonie partait d’un bon principe : mettre en avant les films fait par les jeunes. Mais les mettre en compétition et les catégoriser sur des critères d’un jury qui utilisent le mot « vidéogramme » pour « vidéo » ne poserait-il pas déjà un problème ? Pour que ce type de concours puissent encourager les jeunes à faire des films et s’éduquer à l’image, peut-être qu’il est important de se mettre d’abord à leur écoute.
Affaire à suivre.
L'été de Simon Fontaine