Le gameplay : l’arme narrative de Baldur’s Gate III
Le jeu vidéo est un art à part entière et comme tout art, il dispose de ses propres techniques. Parmi elles, le gameplay est celle qui distingue le plus le jeu vidéo des autres arts : on vous le prouve grâce à un exemple parfait, Baldur's Gate III.
Le jeu vidéo est un art qui, dans bien des cas, a pour but de nous raconter une histoire ou de nous la faire vivre. Cet art possède de nombreux moyens pour atteindre son objectif : l’ambiance sonore, les placements de caméra ou encore l’acting (doublage)…
Parmi tous ces moyens, il y en a un qui sort du lot et qui n’existe d’ailleurs que dans le jeu vidéo : le gameplay, c’est-à-dire la manière dont le jeu se déroule, la manière dont on y joue. Dans l’industrie du jeu vidéo, il en existe de très nombreuses variations. Généralement, les jeux vidéo sont même classifiés en fonction de leur gameplay. Par exemple, un jeu de tir classique comme Counter-Strike (un FPS pour first person shooter) ne se joue absolument pas comme un platformer tel que Super Mario Bros. Wonder.
La manière dont on joue à un jeu, le gameplay donc, exerce une influence drastique sur la manière dont va se dérouler la narration. Le meilleur exemple est Baldur’s Gate III, le jeu élu « Game Of The Year 2023 ». Baldur’s Gate III est un jeu édité et développé par Larian Studios, une entreprise belge basée à Gand. Il se déroule dans l’univers de Donjons et Dragons, la très célèbre licence de jeu de rôle papier heroic fantasy (médiéval fantastique en français). Sans entrer dans les détails, le jeu de rôle papier est très proche du jeu de société dans lequel chaque participant incarne un personnage dans une histoire et un univers fictif décrit et mis en scène par un maître du jeu qui fait office de narrateur, le tout sagement assis autour d’une table. Baldur’s Gate III reprend énormément de ses codes pour les adapter au jeu vidéo. Mais ce ne sont pas tant ces similitudes qui font de Baldur’s Gate III une œuvre formidable, mais bien la synergie qu’il crée entre son gameplay et sa narration.
Dans le fond, Baldur’s Gate III ne raconte pas une histoire qui transcende le genre du médiéval fantastique. C’est encore une fois l’histoire classique d’une lutte héroïque contre des forces occultes et obscures. Là où la narration de Baldur’s Gate III sort très clairement du lot, c’est grâce à ses personnages et surtout à la manière dont ils vont évoluer au fil de leurs interactions avec l’univers et les personnages non-joueurs (PNJ). Chaque interaction, chaque choix effectué, peut s’avérer déterminant pour les membres de votre groupe. Chacun est à un moment-clef de son histoire et ce sont vos interactions avec eux et avec le monde qui les entoure qui décideront du chemin qu’ils parcourront à la fin de votre aventure.
Le cœur du gameplay de Baldur’s Gate III est alors l’interaction avec le monde autour des personnages. Que ce soit dans le placement de la caméra, dans les possibilités quasiment infinies ou ne serait-ce que dans le rythme du jeu, tout pousse les joueurs à être attentifs, à regarder les détails, à écouter les PNJ. Tout le jeu est construit sur cette volonté de pousser le joueur à prendre le temps de chercher à comprendre cet univers dans les moindres détails, lui offrant suffisamment de possibilités pour qu’il donne libre cours à son imagination en construisant un jeu dans lequel presque n’importe quelle action est envisageable tout en restant cohérent dans la logique de cet univers. Par son gameplay, Baldur’s Gate III montre que jouer à un jeu vidéo n’est pas juste s'asseoir manette en mains pour tuer des monstres à la pelle dans des cartes toujours plus grande : c’est aussi prendre le temps de s’arrêter pour regarder autour de soi, de réfléchir patiemment afin de prendre la décision qui nous semble la meilleure.
Ce que j’ai le plus apprécié quand j'ai commencé ce jeu, c'était de découvrir toutes les interactions possibles. J’ai déjà passé 231 heures sur ce jeu depuis sa sortie. La plupart du temps, j’explorais calmement, je parlais avec les PNJ hauts en couleurs de cet univers, j’essayais de comprendre comment mon personnage pouvait agir en héros dans un monde où tout est gris. Jouer à Baldur’s Gate III implique de prendre des décisions souvent complexes, de chercher à en apprendre plus sur l’univers et les personnages en s’y intéressant avec patience. De cette manière, le jeu démontre qu’une narration peut être efficace et puissante sans pour autant être survoltée et énergivore. Grâce à son gameplay, Baldur’s Gate III peut se permettre de raconter une histoire complexe, avec de très nombreux personnages et de très nombreux embranchements, sans pour autant submerger les joueurs dans des informations et des stimuli envahissants. C’est bel et bien là que se trouve le cœur du gameplay de Baldur’s Gate III, ce qui explique son succès et ce qui a permis à ce splendide jeu de me marquer au plus haut point.