Le Pédiluve ‒ Graded Exposure to Feet de l’artiste illustrateur Olivier Spinewine perce l’univers du dessin contemporain belge, en nous offrant plus de 80 vues inédites de la seule structure anatomique qui est perpendiculaire à notre corps (au repos) !
Imaginez des pieds… flexibles, solides, saignants, humides, goutteux, fourchus, levés, fatigués, curieux, impertinents, espiègles, angoissés, morbides, alloooongés, courts, embrochés, coupés, tordus, maigres, carrés, déguisés, érogènes, bizarroïdes, froids, nerveux, en sueur, secs, entrelacés, anguleux, démesurés, énervés, palmés, déformés, séduisants, sexualisés, rebutants, rejetés, effilés, fins, gonflés, éclectiques, jolis, uniques...
Imaginez des pieds !
Et ce n’est qu’un brève carrousel de ce que l’on peut observer en images en feuilletant le Pédiluve , le dernier livre illustré d’Olivier Spinewine, artiste belge, professeur à l’ESA Saint Luc et à l’ISPG à Bruxelles. Publication issue de l’exposition qui s’est tenue de mars à avril 2022 au Clignoteur sur la Place de la Vieille Halle aux Blés, au centre-ville Bruxellois.
L’ouvrage est publié par Lustre, maison d’édition initiée par l’artiste, lequel compte parmi ses précédents ouvrages Clair Soleil paru à la Cinquième Couche (2005), Nibiapa (2010), Corso à contre-main (CFC-Editions, 2020). Il est aussi créateur du projet photographique Villevue (2022) en collaboration avec l’artiste Jiacinto Branducci, présenté en parallèle du projet le Pédiluve au Clignoteur.
Dans le Pédiluve ‒ Graded Exposure to Feet , l’artiste propose un voyage graphique inédit, en se consacrant à la partie du corps humain qui n’a malheureusement pas une place d’honneur dans l’art de la représentation. Autant les mains ont été considérées pendant des siècles comme les structures anatomiques les plus difficiles à représenter en forme bidimensionnelle, en dessin et en peinture, les mêmes préoccupations n’ont pas été transmises aux pieds .
Olivier Spinewine ne confère pas à ce sujet pictural l’allure d’une perfection anatomique ‒ qui peut se traduire en dessin par un geste banal s’il se veut universel ‒, mais il nous livre plus de 80 dessins uniques de pieds uniques . Ils sont représentés dans toutes les circonstances dont ils sont, même à notre insu, protagonistes, et dans toutes les situations dans lesquelles ils se voient vifs et vivants.
Le résultat constitue un livre grand format aux couleurs pastel, douces bien qu’étranges, dans lequel figurent, en pleines pages, les dessins individuels mêlant techniques au stylo, à l'aquarelle, au pastel et au crayon. Un dessin linéaire et nerveux, qui suit l’objet de vénération le plus oublié de l’histoire humaine. Nous y admirons en série des pieds qui jouent, qui s’imposent, qui marchent, qui trébuchent, qui dansent, qui séduisent, qui transmettent les vibrations, qui rejettent. Des pieds nus sur la terre.
Dans cet éloge anatomique et formel du pied, qui ternit la primauté graphique de la main, la sensation est celle d’apprendre une nouvelle intelligence. Une intelligence qui se situe à l’autre extrême de notre cerveau, mais qui nous livre des expériences émotionnelles, sensuelles, de jeu, de marche, de vie.
De ce recueil, nous apprécions le nouveau regard que nous portons sur le pied, portion de corps qui a toujours été conçue comme « mesure » du monde, moteur d’une première connaissance terrestre et moteur de nos pas. Si le but était de nous sensibiliser, cet ouvrage perce l’objectif, et nous chatouille dans nos parties plus sensibles et ‒ encore ‒ obscures.
Enfin, éloge aux pieds qui, depuis des millénaires, soutiennent le « poids » des êtres humains.