Finaliste pour le prix des libraires du Québec, catégories Roman-Nouvelles-Récits 2022 (résultats le 11 mai), Les Ombres filantes de Christian Guay-Poliquin propose une relecture du narratif post-apocalyptique. Dans une nature sauvage et sublimée, les humains cherchent à donner un sens à un monde sans électricité. Sur fond d’angoisse et d’espoir, chacun tente de se frayer un chemin dans l’immensité de la forêt canadienne.
Si les ombres des arbres s’étendent et s’effilent, ce n’est plus que sous l’effet des brûlures du soleil ou des lueurs des feux de bois. Plus aucune lumière artificielle ne viendra percer la forêt canadienne, et une nature inhospitalière se dévoile sous les pas d’un homme qui marche seul. Il cherche à rejoindre le camp de chasse de sa famille et, surtout, il tente de mettre derrière lui les bouleversements liés à une panne d’électricité généralisée qui s’est produite il y a quelques mois. Rapidement, il est rejoint par un jeune garçon un peu fuyant, Olio, qui l'accompagne dans cette traversée rythmée par les rencontres d’autres groupes, dont les intentions ne sont pas toujours claires.
Les Ombres filantes de Christian Guay-Poliquin se joue de nos imaginaires, et tout particulièrement celui lié au post-apocalyptique. À la lecture, l’angoisse ne nous quitte pas, tant nous redoutons ce moment où le duo devra faire face à la violence si caractéristique de ce genre de romans. Il y a cette tension qui se diffuse durant toute la lecture, et aucun personnage ne peut nous rassurer par sa présence, car pas un seul ne se livre complètement au lecteur.
Écrivain québécois, Christian Guay-Poliquin est l’auteur de trois romans, dont un premier, Le Fil des kilomètres , publié en 2013. Connu grâce à son roman Le Poids de la neige , publié en 2019 et traduit dans une quinzaine de langues, il réinvestit les mêmes thèmes avec Les Ombres filantes : le sens de la communauté et la survie dans la nature. Avant la parution de ce dernier roman, il publie six courts épisodes audios ‒ les battements de la forêt ‒ où il propose la lecture d’extraits des Ombres filantes , sur un fond sonore reproduisant l’univers de la forêt (créé par Etienne Legast).
Divisé en trois parties ‒ la forêt, la famille et le ciel ‒, le roman entame chaque chapitre avec une description poétique et métaphorique du lieu où se déroule l’action. La forêt, tout particulièrement, est marquée par l’imaginaire canadien, empreint d’hivers longs et rigoureux dans une nature parfois bien plus indomptée que celle que l’on peut trouver en Belgique.
Elle est le commencement et la fin. Elle précède les regards, elle leur succédera. [...] Elle fascine autant qu’elle effraie. [...] Toutes les âmes rêvent de s’y perdre. Mais aucun être ne sort indemne de son étreinte.
Dans un monde industrialisé où nous nous laissons parfois aller au fantasme d’un retour à la nature, Christian Guay-Poliquin offre une critique à l’égard de ce genre de rêveries. La nature n’offre pas de refuge, tout au plus se propose-t-elle comme la seule dimension qui semble rester aux humains dans un monde où le temps qui s’écoule a perdu toute importance. Alors que la plupart des personnages rencontrés dans le roman semblent avoir mis leur vie en suspens, notre narrateur et Olio continuent de chercher un ailleurs. Et pourtant, ils ne peuvent trouver ce qu’ils recherchent car ce quotidien n’existe que dans une réalité imaginée. *Spoiler*1
Vous savez, ici les gens s’activent avant l’hiver, mais la plupart sont totalement dépassés par ce qui leur arrive. Pourtant, le grand air, l’eau pure, la vie en forêt, ce n’est pas ce dont tout le monde rêvait ?
Alors, moi aussi, je rêve d’une nature comme d’une échappatoire à un monde qui va trop vite. Moi aussi, j’espère habiter un bout de verdure situé loin des lumières de la ville. Et, pourtant, si ce jour arrive, j’ai parfois peur de me retrouver là-bas et de me demander « ce qu’on fait ici, à l’écart du monde, comme des naufragés prisonniers d’un océan de verdure ».