L’Homme qui rétrécit
Le monde vu d’en bas

Pour sa deuxième collaboration avec Jean Dujardin, Jan Kounen revisite le roman, déjà adapté au cinéma en 1957, de Richard Matheson L’Homme qui rétrécit. Alors, que vaut cette nouvelle version de l’œuvre ? Si tout n’est pas parfait, le film parvient néanmoins à transporter et à provoquer, par moments, quelques sueurs froides. Une belle réussite.
Dix-huit ans après le survolté 99 F, Jan Kounen retrouve Jean Dujardin pour une nouvelle adaptation de L’Homme qui rétrécit (déjà porté à l’écran en 1957 par Jack Arnold). Projet initié par Jean Dujardin lui-même, le réalisateur explique que le film original l’avait « profondément marqué ». C’est donc assez naturellement que le projet s’est mis en marche. Et bien que certains effets numériques soient utilisés, Kounen n’a pas hésité à recourir à des décors grandeur nature afin de renforcer l’immersion. Force est de constater que ça fonctionne : on a véritablement l’impression de rétrécir avec le protagoniste principal, donnant au spectateur une bonne dose de frissons par moments.
Paul est un père de famille qui travaille au sein d’une entreprise de construction navale et tente de faire tourner les affaires du mieux qu’il peut. Alors que son quotidien est des plus ordinaire, un événement va venir bouleverser sa vie et celle de ses proches. Lors d’une nage en pleine mer, il est témoin d’un étrange phénomène météorologique. Peu de temps après, il se rend compte qu’il rétrécit chaque jour un peu plus, jusqu’à devenir minuscule. Et lorsque, par un malheureux contretemps, il se retrouve enfermé dans sa cave sans moyen de sortir, s’engage alors une lutte contre son environnement, où une seule règle prévaut : survivre.

En revisitant ce film devenu culte au fil des années, Jan Kounen s’attaque à une œuvre majeure du cinéma américain (il est inscrit au National Film Registry depuis 2009). Et là où l’on pouvait craindre une nouvelle version remplie d’effets spéciaux sans saveur, ce n’est (pratiquement) pas le cas. Ici, Kounen mélange habilement effets spéciaux et décors réels. Si certains FX peuvent parfois piquer les yeux (l’incrustation sur fond vert est parfois très visible), les décors, eux, sont extrêmement réussis. C’est simple : on rétrécit avec Paul. La justesse avec laquelle l’équipe chargée des décors a su jouer avec les échelles constitue indéniablement l’une des forces du film. Si tout aurait pu être fait sur fond vert, Kounen choisit au contraire la matière, le concret. Et dans ce sens, on sent que le réalisateur s’est véritablement amusé à tourner ce film, avec cette volonté d’emporter le spectateur dans un « nouvel » univers d’une échelle démesurée. Jan Kounen l’a bien compris : le cinéma est fait pour rêver et voyager, et ici, les décors y contribuent parfaitement.
L’Homme qui rétrécit se divise en deux parties. Dans la première, on découvre le quotidien de Paul, de sa femme et de leur fille. En proie à des difficultés financières, la famille tente de vivre dans la meilleure atmosphère possible. Mais lorsque Paul s’aperçoit qu’il commence à rétrécir de jour en jour, la situation se dégrade au sein du foyer. Conscient que sa vie ne sera plus jamais la même, il s’efforce de préserver le meilleur lien possible avec ses proches, allant jusqu’à laisser sa fille l’installer dans sa maison de poupées pour jouer avec elle. Cette première partie, qui prend le temps d’installer les personnages (ce qui n’est pas déplaisant), permet au spectateur de s’attacher à eux, et rend d’autant plus forte la suite, plus sombre et pessimiste.

Passé ce premier tiers, le rythme s’accélère. Devenu la proie du chat de la maison, Paul chute dans la cave à la suite d’une course-poursuite avec le félin. Et là, plus moyen de remonter. C’est à ce moment que le film bascule dans sa partie la plus intense : celle où seule la survie compte. Nous revoilà donc dans la cave (déjà montrée au début du film) mais sous un tout autre angle. Désormais, tout est immense : une marche se transforme en montagne, une armoire en gratte-ciel. Dans cet environnement qu’il ne maîtrise plus, Paul va se souvenir d’un détail inquiétant : une araignée vit dans la cave. Sans trop en dévoiler, s’ensuivra une longue et délicate cohabitation entre l’homme et l’arachnide.
Outre Paul, c’est bien la créature qui constitue le second protagoniste du film. On sait qu’elle est là, mais où exactement ? Va-t-elle surgir ? Si oui, quand ? C’est sur cette tension constante que le film joue avec le spectateur, et ça fonctionne. L’intensité du jeu de Jean Dujardin, mêlant subtilement détresse et détermination, contribue à rendre cette seconde partie d’autant plus prenante.
Grâce à son rythme, à ses décors et à sa tension permanente, L’Homme qui rétrécit est une réussite. En évitant le piège du tout-numérique, Jan Kounen signe un film divertissant avec une vraie patte visuelle. De plus, le long-métrage aborde une réflexion intéressante sur la notion de mort et la place de l’homme face à l’infiniment grand. À côté de certains films français sans grande inspiration, L’Homme qui rétrécit fait du bien, dans le sens où il propose une expérience de cinéma intense, où l’on rêve et frissonne.