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Entre vengeance et soucis d’intégration
La maison Blumhouse tire de son jeu la carte du thriller psychologique, entre épouvante et horreur, basée sur la vengeance pour nous séduire en cette fin d’année scolaire. Pari réussi ?
Tate Taylor part du vécu de Sue Ann, qui n’a jamais su s’intégrer dans son adolescence, pour dépeindre la réalité d’un ancien bouc émissaire devenu adulte qui rattrape ses années volées en infiltrant le groupe d’enfants de ses harceleurs. Surnommée « Ma », telle une maman protectrice, Sue Ann permet à ces jeunes de festoyer à leur aise dans sa cave, en sécurité, et de leur payer leurs consommations d’alcool. Une sécurité en demi-teinte qui révèlera l’obstination de Sue Ann de s’intégrer à ce groupe d’adolescents et surtout sa folie vengeresse, lorsque ces jeunes les rejetteront. Sue Ann perdra donc la tête et, par tous les moyens, essaiera de ramener les jeunes gens dans son foyer. En vain. Motivée par la haine de ce rejet constant, elle les invitera à une dernière soirée qui s’annonce digne de l’enfer pour les jeunes adultes.
Dans ce long métrage, Taylor pointe du doigt la création, par l’humiliation durant l’adolescence, d’un monstre fou et assoiffé de vengeance (Sue Ann) et l’obligation morale des bourreaux de payer les pots cassés des années après. Cependant, Sue Ann semble davantage animée par le désir de s’intégrer que par le besoin de se venger. Elle est séduite quand Ben Hawkings, ancien tortionnaire, lui propose une rencontre et s’abandonne dans les bras de ce dernier à la fin du film. Elle tue également des gens qui n’ont absolument rien avoir avec son rejet d’antan, comme sa patronne au cabinet de vétérinaire où elle travaille. Malgré le pacte de vengeance que nous fait signer le réalisateur au début du long métrage, ce dernier n’aboutit pas et semble devancé par le sentiment d’intégration. Sue Ann souhaite-t-elle se venger ou s’intégrer ? Ou est-elle partagée entre ces deux propositions ?
À l’aide de nombreux flashbacks, le réalisateur nous pousse à excuser cet être dénué de raison, motivé par une folie meurtrière, en nous montrant les diverses humiliations subies par la jeune femme. Qui plus est, Taylor propose des bourreaux immoraux et simplets, en somme des personnages tout à fait détestables qui constituent un argument supplémentaire pour nous faire inévitablement adhérer au camp de Sue Ann.
Cependant, le besoin de Sue Ann de préserver sa fille du monde extérieur en l’isolant des autres à cause d’une maladie imaginaire reste un mystère pour le téléspectateur. A-t-elle peur qu’elle finisse comme elle ou craint-elle que sa fille s’éloigne d’elle ? Ce questionnement est d’autant plus légitime quand on constate que la jeune fille est désireuse de se faire des amis et vit, comme sa mère, très mal le rejet. L’isolement intenté par Ma creuse donc la souffrance et le sentiment de rejet de sa fille, tout ce que Sue Ann a très mal vécu dans ses jeunes années.
Il est également dommage que le véritable côté « psychopathe en action » de Sue Ann ne se déclenche que tard dans le film et n’apparaît véritablement que lorsque Ben Hawkings l’humilie une seconde fois à l’âge adulte. Jusque-là, le film n’est qu’une alternance de flashbacks et de soirées adolescentes qui dépeignent la vie tranquille de quelques adolescents téméraires et fougueux.