Maousse costaud, Biscoto !
Cette semaine, la galerie Karoo exposait les illustrateurs de la revue pour enfants Biscoto . L’occasion de discuter avec l’une des fondatrices du journal : Suzanne Arhex, et de se rendre compte qu’un journal, ça peut tourner, même se développer, sans pub. Costaud.
Découvrez Biscoto dans la galerie Karoo.
Suzanne Arhex, en quelques mots, c’est quoi
Biscoto
?
Biscoto
, c’est un journal mensuel pour les enfants entre 7 et 11 ans, qui s’articule autour d’un thème, non pas d’actualité, mais dans l’air du temps. C’est-à-dire les vacances, une saison… Par exemple, pendant la quinzaine de Cannes, on a fait un numéro sur le cinéma, mais sans parler du festival. Précisément parce que nous ne sommes pas un journal d’actualité. On a lancé ce projet avec mon amie Julie Staebler. Le premier numéro est sorti en janvier 2013 et on en est aujourd’hui au vingt-huitième numéro. À chaque fois, on travaille avec une vingtaine d’illustrateurs et d’auteurs, autour d’un noyau dur constitué d’illustrateurs qui étaient avec nous à l’école1
, ou rencontré dans les salons et les festivals. On a commencé à travailler avec des gens qu’on n’avait jamais vus de notre vie. Bref, ce n’est clairement pas un journal de copains, à la base.
Pas un journal de copains, mais un journal pour enfants. Pour quoi faire ?
Julie et moi venons plutôt de l’univers du fanzine et de la microédition, et après quelques temps à écumer les festivals, on a réalisé que la production était presque exclusivement destinée aux adultes. Les enfants étaient les grands oubliés de ce monde-là. Comme notre sensibilité va naturellement vers l’illustration jeunesse, et qu’on avait envie d’avoir un projet en collaboration, on s’est tourné vers l’idée d’un journal pour enfants, mais qui ressemble à un journal pour adultes. D’abord parce que le papier glacé est impayable par rapport au papier journal, ensuite parce qu’en lui donnant l’aspect des journaux pour adultes, ça nous permettait de faire un vrai détournement pour les enfants.
Mais au-delà de la forme que
Biscoto
a prise, le premier bobjectif est de sensibiliser les enfants à la lecture, et de les familiariser avec un objet qui est fait pour vivre. Le truc un peu dramatique avec les livres pour enfants, c’est quand ils sont tout propres, qu’il faut en prendre soin ….
Biscoto
, au contraire, c’est fait pour être lu, froissé, prêté, gribouillé… C’est vivant ! Ce n’est pas un objet précieux.
On veut aussi familiariser les enfants avec le rapport texte/images. Dans
Biscoto
, on met en avant un travail d’auteur : nos illustrateurs sont très jeunes, ils n’ont pas tous déjà publié. Du coup, ils représentent l’avant-garde. On aimerait être une vitrine de cette avant-garde. Du moins, on essaie. C’est surtout une sensibilisation à la lecture et à l’image, avant tout. Mais bon, on apprend aussi des choses dans
Biscoto
.
En vous passant de publicité,
Biscoto
atteint une sorte d’idéal dans la presse. Faire un travail de qualité sans annonceur, c’est tenable ?
Oui, c’est possible… Après, il n’y a pas de secret : on est subventionné, et on ne se paie pas. À partir de là, c’est possible, en effet.
Du coup, faire un peu de place à de la publicité, est-ce une tentation ?
Jamais ! Ce serai détourner l’objet même de la démarche voulue avec
Biscoto
, cela nous décrédibiliserait complètement.
Biscoto
n’est pas politique, mais notre démarche est culturellement engagée. On essaie de placer des histoires, des textes, des BD qui sont là pour éveiller le sens critique. Il n’y a pas de place pour la publicité là-dedans. La première année, on avait même un dessinateur qui nous dessinait de fausses pubs. Mais évidemment, c’était dans une optique de dénonciation plutôt. Définitivement, on n’en veut pas, c’est certain. S’il faut que
Biscoto
meurt par manque de financements, alors le journal mourra, c’est tout. On ne vendra pas son âme.
Mais ce scénario n’est pas l’ordre du jour : le journal roule très bien et on va même publier un album. On se lance dans l’édition en novembre, avec les illustrateurs de
Biscoto
.