Miel de Montagne aux Nuits Botanique :
Se lancer devant un public de festival est sûrement glaçant. Sous le chapiteau des Nuits Botanique à Bruxelles, il a fait bon tout du long pour Miel de Montagne.
Je ne connaissais pas trop la musique de Miel de Montagne et c'est par une suite de coïncidences que je le vois derrière un micro pour la première fois. C'est en petit comité, au hasard d'un karaoké, dans un restaurant marseillais. Il est avec ses potes, le resto est presque vide et il est sans ses musiciens. Son tour venu, il joue le jeu sans se faire prier et fait le show sur une reprise de Johnny Hallyday. Je me suis franchement marré parce que c'était chanté avec justesse et bien interprété, mais avec une touche crooner qui m'a ouvert au comique de son univers.
Si je commence par cette anecdote, c'est pour ne pas dire dans le vent que Miel de Montagne donnerait la même énergie devant mille personnes en festival à Bruxelles que devant cinq dans un bar quelconque. C'est une histoire basée sur des faits réels. J'étais conquis dans ce karaoké improvisé à Marseille ; je l'étais aussi ce 29 avril aux Nuits botaniques dans une fosse bien remplie.
L'énergie sincère en musique est toujours contagieuse, foule ou pas foule. Il y en avait bien besoin sur cette date, parce qu'en festival on ne sait jamais qui est vraiment là pour l'artiste. Entre les invités, les journalistes, les gens qui suivent leurs potes, qui étaient là au concert d'avant ou qui attendent celui d'après, il est difficile d'identifier les passionné·e·s dès la première chanson. Le public n'est clairement pas le même que sur un Zénith par exemple. Pour comparer il suffira d'aller à Lille le vendredi 22 septembre .
Une foule de festival, faut aller la chercher. L'excitation est palpable, mais le chapiteau pas encore blindé pour l'arrivée de Miel de Montagne sur scène. Les rangs finiront par se resserrer et, de toute façon, ce début un peu parsemé est loin d'être dérangeant. Les derniers rayons de soleil filtrent par les ouvertures de cette grande scène extérieure. Comme le fait remarquer l'artiste, le temps est avec nous. Pour être honnête je suis un peu intimidé parce que ça fait longtemps que je n'ai pas fait de gros concert. Ça fait longtemps que je n'ai pas vu autre chose en live qu'un gars solo avec un micro ou derrière des platines. J'ai l'impression d'avoir oublié comment agir devant un show plus instrumental, mais l'ambiance étrangement intimiste pour la taille du lieu me met à l'aise. Les premiers sons planants et la complicité de Miel avec ses musiciens achèvent de me détendre.
Cette touche aérienne est due à la couleur musicale de l’artiste souvent définie comme électronique et pop. Si on creuse un peu on trouve aussi des appellations telles que pop slacker psychédélique, dream-pop, french touch ou encore french indie. Ce que je retiens au milieu de toutes ces déterminations, c’est que le son de Miel de Montagne est hybride et que ce mélange lui permet d’offrir un set évolutif qui commence par un décollage tout en douceur.
Ouais, ce début est doux. Les gens sont tout sourire et moi qui avait peur d'une ambiance heureuse un peu trop construite, je participe volontiers à ce qui est plutôt une rêverie collective. Je suis happé. Il y a quelque chose du transport dans la musique de Miel de Montagne. J'ai envie de cloper à la fenêtre d'une voiture qui va vite, assez vite pour se rafraîchir la tête parce que c'est forcément l'été, mais pas assez pour détruire le paysage qui file. J'ai envie de cloper au soleil alors que je ne fume plus depuis longtemps. C'est sûrement ma mémoire sélective, mais je crois que ces pensées me viennent sur « Laissez-moi rêver », titre que j'avais retenu à l'écoute du dernier album Tout autour de nous. En tout cas, la première partie du concert est un crépuscule bien agréable.
Après, ce sont des morceaux plus connus du premier album qui sortent le public de cette humeur contemplative. « Pourquoi pas » est reprise à l'unisson et ça s'agite pas mal sur « Permis B Bébé » . Une touche rock se précise. Elle s'affirme avec un bain de foule de Miel de Montagne et quelques joyeux pogos. Le concert d'une bonne heure est pensé en crescendo et à ce stade on commence à le sentir. Les fans donnent le change et les personnes plus sceptiques au début sont maintenant conquises. Un concert réussi, c'est sacré, c'est une communion. On y est.
Il est 21h, le chapiteau est désormais plongé dans la pénombre et je suis impressionné. L'énergie offerte par Miel et ses musiciens était sincère et n'a fait que croître jusqu'à la fin. J'ai pu apprécier autant le sérieux d'un artiste toujours à la poursuite de l'amour que l'espièglerie d'un rockeur en robe puis en slip, dansant et s'époumonant sans retenue pour son public. C'était aussi plaisant de le voir mettre à l'honneur ses musiciens qui, loin de se laisser déborder par son personnage extravagant, l'accompagnent de bon cœur et savent se mettre en avant à leur manière. On n'oublie pas Miel de Montagne et son grand dessin coloré qui fait une belle toile de fond sur la scène. On n'oublie pas non plus la malice du claviériste, la justesse du batteur (malheureusement un peu caché sur ce plateau) ou le jeu du bassiste, avec son instrument et avec Miel sur un son comme « L'Amour » par exemple, où la grivoiserie est de mise. Ce mix de personnages résume bien l'univers dans lequel j'ai plongé. Au-delà du mélange des genres musicaux, il y a un talent à performer avec dérision des paroles parfois graves, parce qu'empreintes d'une bonne dose de désillusion.
Ce 29 avril, j’ai profité de morceaux purement joyeux et la force de Miel de Montagne est de diffuser ce sentiment un peu partout, même lorsqu’il chante les espoirs déçus et les erreurs toujours renouvelées. Même sous de gros nuages, le soleil danse .