critique &
création culturelle

Mood de ISAAC

Recoller nos morceaux intérieurs

Ce vendredi 31 mai au Botanique, ISAAC nous présentait son premier album Mood. Interprétées avec nuance, les chansons du jeune artiste belge nous ont plongés dans un univers électro-pop. Retour sur une soirée où toutes les humeurs étaient permises.

Sorti le 22 mars, le nouvel album d’ISAAC nous interpelle par la diversité des émotions que nous ressentons à l’écoute des premiers morceaux. Ce qui se dégage, en effet, c’est la capacité du jeune artiste à nous faire passer d’une humeur à une autre. Ce travail à la fois musical et poétique se retrouve dès l’ « Intro » avec laquelle ISAAC entame son album ainsi que son concert. Ce morceau souligne d’emblée la puissance d’expressivité du chanteur qui nous accueille, gorge déployée, dans son monde intérieur. En quelques secondes seulement, nous sommes pris par l’intensité de la musique et de son cri ‒ ISAAC crie réellement, pas des mots ou des phrases, mais un cri qui exprime en lui-même une émotion entre colère et épuisement. Combinaison esthétique de colère et d’épuisement, « Intro » constitue la première des dix pièces d’un envoûtant puzzle.

Auteur et interprète, notre jeune chanteur performe également sur scène puisqu’il choisit, avec poésie, comment rendre visuelles ses paroles. En effet, le jeu de lumière suit son corps qui se meut, sensuel et fractionné, au son des mots qu’il prononce. Ses mouvements suivent alors les accords des musiciens qui l’accompagnent : Romain Toisoul, Noé Peigneur et Matthieu Leclercq. Ensemble, ils prennent possession de la scène et nous devenons réceptifs à chacune des phrases et leurs tonalités.

S’ensuit une série de chansons dont les titres eux-mêmes dessinent les contours du puzzle. « Honest Love », « Thief of Art », « Cerveau Malade » ou encore « Fear » représentent chacune à leur tour une pièce à laquelle il faut donner forme. Attentifs aux paroles chantées,

« Get me a new life

Get me a new bother

Get me a new try

Get me some place

Higher

Get me some place

I’ll never join in

Higher »

nous suivons le texte de « Let Me Be » qui soulève avec justesse nos préoccupations intérieures, tout en les légitimant. Rendus avides par l’impératif de ces premières phrases, nous poursuivons l’écoute de la chanson :

« I just wanna feel something

I just wanna be someone

I just wanna get high

Let me be »

Désormais, ce sont l’apathie et l’indolence qui nous gagnent, comme un écho à notre vide intérieur. Jusqu’à la dernière note, « Let Me Be » nous fait passer par différentes émotions. Tel est le cas d’ « Humeur Tactile » qui, comme l’indique le titre, nous attire et nous éloigne à la manière d’une une mise en garde. C’est d’ailleurs au son des premières notes, jouées avec force et puissance, que nous laissons éclater nos frustrations jusqu’alors retenues.

Ce qui domine ainsi au fil des chansons, c’est le sentiment de chute libre qui nous emporte lorsque nous cherchons à assembler nos propres pièces. En effet, à la recherche d’une forme à leur donner, d’une émotion à identifier, nous regardons en nous-mêmes et perdons pied sans pouvoir contrôler cette chute intérieure. Une chute libre représentée sur la couverture de son album et évoquée dans « Manque » :

« On peut se taire

Ça ne va rien changer

On manque d’air

On va s’essouffler

Il faut s’extraire pour comprendre

J’aime quand tu me manques »

Une chute libre en soi-même que le chanteur, mis à nu, nous livre comme une invitation à regarder en nous aussi.

Et si le puzzle que ces morceaux reconstituent n’était alors que notre reflet ? Différents titres pour différentes émotions… La force de Mood est d’explorer un ensemble de ressentis que nous finissons par agencer de nous-mêmes. Douleur et douceur, affliction et tendresse, il faut emboîter les pièces pour recoller nos morceaux intérieurs.

Nous ressortons alors le sourire aux lèvres, magnétisés par sa performance, confiants pour la suite : ISAAC a encore beaucoup à nous offrir. C’est d’ailleurs avec impatience que nous attendons de le retrouver le vendredi 23 août aux Solidarités. De quoi nous mettre de bonne humeur jusque là.

Mood

ISAAC

Palace Production, 2024

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