Nick Cave
Lorsque Nick Cave, fondateur des Bad Seeds, décide d’offrir au public
20 000 Days on Earth
avec ses collaborateurs artistiques de longue durée Ian Forsyth et Jane Pollard (créateurs de la version 3D de
l’Histoire de Bunny Munro
, écrit par lui-même), il paraît clair qu’au-delà de l’image, de l’affirmation cinématographique, le dandy moderne a une soif inextinguible de communion.
On ne présente plus le mystérieux Australien expatrié à Brighton, auteur compositeur interprète (parfois crooner gothique), qui semble traverser les décennies, cheveux mi-longs en costume cintré noir, inchangé, stoïque et pourtant fascinant d’émotions enfouies. Le film s’ouvre par ailleurs sur une déclaration à son reflet glauque dans le miroir : « À la fin du XXe siècle, j’ai cessé d’être humain. » Une version vampirique de Leonard Cohen ? Pas moins sûr. Un poète moderne, mais aussi une rock star internationale à la personnalité complexe, pétrie de contradictions, baignée certes dans l’imagerie visuelle et littéraire néoromantique, tout droit sortie d’un « folk tale ».
En homme aussi tourné vers soi-même que vers l’extérieur, il défend sa vision, son art, à la fois cérébral et généreux. Son viatique ? Le contact avec le public , comme en attestent les extraits de concerts filmés au fil des tournées, où on le voit penché, au plus près de l’audience, sur le rebord de la scène, incliné, humble, infiniment élégant, comme un Messie sur une foule bercée par sa voix grave.
Dans le documentaire, qui marque solennellement la vingt-millième journée du chanteur sur la planète, Nick Cave se prête mais aussi s’essaie à l’interview de ses collaborateurs les plus proches, de ses amis, non sans un humour certain. On ne manquera pas de sourire devant un court caméo de Kylie Minogue où il fait office de taximan, sur ses quelques réflexions désabusées d’expat sur la météo anglaise et les britanniques, ou la présentation laconique de sa routine quotidienne : « Je me lève, j’écris, je mange, je regarde la télévision. »
Une sorte de bilan, mais aussi une certaine analyse psychanalytique, alors que Cave se souvient de son père, des péripéties de son enfance, de la première fille qu’il a vue nue, sa première vision de beauté, des influences sur son œuvre, mais encore de sa famille (on y voit ses fils). Lauréat du prix du meilleur montage au festival de Sundance en 2014, le film est loin de l’interview confessionnal vulgaire . Le dandy livre ses réponses non moins intenses avec gravité, comme s’il déclamait des vers, le regard nostalgique, masquant certainement une angoisse rampante. Un échange honnête, touchant de vérité. Lorsqu’on lui demande ce qu’il aurait le plus peur de perdre, il répond après un silence que ce seraient ses souvenirs. « Memory is what we are. »
Juxtaposées avec des extraits de concert inédits aux quatre coins de la terre, entre biopic et documentaire, mi road-trip, mi-autofiction, ses histoires narrées à mi-chemin entre le vécu et la fiction (« So you read my biography ? (…) This is not the truth, though ») font toute la beauté sauvage de cette chronique humaine du temps qui passe dans l’existence et l’œuvre d’un artiste vieillissant qui affirme vivre pour la scène, un lieu où « tout amour, toutes les larmes, et toute la joie peuvent exister ».
Sortie en Belgique le 29 octobre 2014.
Vu en avant-première le 13 août 2014 au festival en plein air
Pluk de Nacht
, à Amsterdam.
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