Difficile d’être accepté quand on ne veut pas porter d’étiquette dans une société comme la nôtre. C’est le pari que Normand a décidé de mener. Un petit garçon qui, tout compte fait, n’a rien de différent de nous. Mais Normand a décidé de porter des robes.
Basée sur un fait divers qui s’est déroulé en Allemagne, la pièce Pink Boys and Old Ladies met en scène l’histoire d’un petit garçon de cinq ans qui ne voulait porter que des robes. Pour soutenir son fils, son père a décidé de l’accompagner en robe à l’école.
C’était un synopsis qui attisait ma curiosité dès le début car le spectacle parle d’une thématique très présente aujourd’hui : l’étiquetage. Que ce soit coller une étiquette sur l’orientation sexuelle, sur la personnalité ou encore sur le physique, nous sommes tous impliqués.
La pièce nous plonge dans le climat familial de Normand. Une mère qui n’accepte pas que son fils puisse avoir envie de porter des robes, et n’a qu’une idée en tête : trépaner son fils afin de voir ce qui ne va pas dans sa tête. Une tante qui ne sait rien faire d’autre que de hocher la tête mais qui trouve son comportement bizarre, une grand-mère maternelle qui est persuadée que Normand doit changer de sexe. Une grand-mère paternelle qui, elle, ne trouve rien de mieux que de compter les crocodiles pour combler les silences gênants et enfin le père qui décide d’accompagner Normand en robe à l’école. On pourrait croire que le père est ici le héros mais en réalité, il est tout aussi déboussolé et gêné que le reste de sa famille. Complètement mal à l’aise, le père se réfugie dans des réflexions qui n’ont ni queue ni tête pour éviter de parler des robes de Normand.
C’est dans cette atmosphère de malaise et de non-dits que l’on se rend compte que chacun des personnages ne sait pas comment réagir face à cette situation.
Toute la pièce est soutenue par un texte magnifiquement écrit par Marie Henry, fluide, aux mots justes et frappants. Parfois des mots violents comme « tafiole » ou « tapette » qui sortent de la bouche de chacun des personnages. Seul Normand est muet durant tout le spectacle. Ce qui montre finalement que le problème ne vient pas de lui, mais bien de son entourage trop tourmenté par le regard des autres et leur jugement.
Rythmée par les musiques enchanteresses du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, Pink Boys and Old Ladies n’est pas qu’une pièce sérieuse. En effet, le texte et le spectacle est plein d’humour. Le manque de communication entre les personnages en devient parfois drôlement grotesque et ridicule. C’est selon moi l’un des points forts de cette pièce qui parvient à agencer une réelle problématique sérieuse et le comique des mots.
Plusieurs autres questions sont abordées durant la pièce. Pink Boys and Old Ladies évoque l’acceptation de l’autre et de la différence, les tensions au sein du noyau familial, etc. Ce sont des thèmes très actuels, qui nous parlent et qui nous touchent.
Le décor du spectacle est épuré et la mise en scène, quant à elle, est assez symbolique. Une petite table basse et trois chaises en guise de salon. Les murs beiges permettent de jolis effets de couleur rose, tout comme la robe de Normand. Mais ce décor, presque minimaliste, met en valeur le jeu des acteurs. En effet, la scène est assez large pour seulement cinq protagonistes. Cela permet aux acteurs d’occuper l’espace scénique. Je remarque alors que chaque personnage n’exploite pas l’espace de la même manière. Chacun d’entre eux développent un langage corporel bien personnel, ce qui illustre les différentes manières de réagir face au choix de Normand. Riche et diversifiée, la pièce comprend de la danse, de la musique et des chansons. Autant de manières différentes pour permettre à chacun d’entre de se reconnaître, que l’on soit acteur ou spectateur, dans les riches thématiques développées par Pink Boys and Old Ladies.