Les œuvres ont en commun le travail imaginatif du dessin sur papier, sous diverses formes et techniques : collage, coloriage, gravure, peinture ou dessin par frottement, mise en relief des pores du papier. Les quatre artistes le font respirer, chacun autrement, oscillant entre intimité et mysticisme.

Maldo Nollimerg par exemple, met en scène des personnages et des animaux surréalistes, à la façon du Douanier Rousseau. C’est un autodidacte qui a exclusivement recours au dessin en noir et blanc. Dans ses saynètes au crayon gris, lions, femme dénudée, poissons, dormeuse et plongeurs flottent se combattent sur une scène, à l’envers, à l’endroit, encadrée sur le papier. Les visages sont ronds, simples, les yeux immenses fermés ou écarquillés à la façon des images des années 1920/1930, exaltant leur mystère et leur ambiguïté. L’émotion et l’intensité du rêve sont communiquées par le mouvement et la densité du trait.

Chez Abel Burger, les couleurs explosent et s’étalent sous une grande arche, similaire aux enluminures d’Annonciation de la Renaissance. Le papier y est (re)coupé, gravé pour la structure de l’image, et la profondeur travaillée via des motifs géométriques inspirés de l’art africain. On y discerne des figures animales, comme floutées : elles nagent, gommées, dans le bleu royal ou marial, en tout cas sacré.

Ce qui surprend le plus, au premier abord, c’est de voir à quel point les œuvres de Simone Pellegrini semblent peintes sur des tranches de cuir. De fait, Pellegrini travaille le papier à la façon d’un parchemin, l’enduisant de rouille, d’huile, le vieillissant. Les silhouettes y rappellent des peintures rupestres, les dessins géométriques les entourent et prennent harmonieusement l’apparence d’un codex.

Kate Lyddon, enfin, vient mêler le quotidien au rêve, à la fiction. Armée d’humour et d’un trait contrôlé, elle dessine sa propre forme de magie au quotidien : figures de femme, de mère, mi-sirène, mi-déité. L’étonnant « Is it a school day? » la montre coiffant sa fille, dont la couronne de cheveux a été triplée en mouvements circulaires, les bras semblables à une pieuvre, les yeux cubiques et fluides.

Salt ‘n Paper nous dévoile les accents universels de nos histoires particulières par une réécriture de soi. Les quatre artistes nous invitent à entr’apercevoir une réalité transformée via leur prisme et leur coups de crayon. Naît ainsi une vision puissante que seules parviennent à contraster la légèreté et la fibrosité du papier sur lequel elle a été esquissée, avec nuance et complicité.