Superpositions – Collection particulière d’un cinéma porno bruxellois
Superpositions – Collection particulière d'un cinéma porno bruxellois est un ouvrage co-édité par le Cinéma Nova et la maison d'édition Les Impressions Nouvelles paru à la rentrée 2021. Le livre se propose de faire connaître une face peu documentée de l'histoire du cinéma : la censure d'affiches de films pornographiques en Belgique.
La première chose qui choque à la consultation de Superpositions est la conception éditoriale du livre. Pour une édition qui a pour but de développer un discours autour de gestes graphiques ‒ ici le graphisme forcé par la censure des affiches de films X ‒ la forme parait pourtant aussi importante que le fond. Si le format à l'italienne peut être justifié par celui ‒ horizontal ‒ des films, il ne convient pas du tout aux textes, qui n'ont pas été mis en page en conséquence. Le choix d'un papier couché très glossy pourrait aussi sembler pertinent pour les photos d'affiches, souvent brillantes, mais rend le texte difficilement lisible si l'on ne trouve pas le bon angle, la lumière s'y réfléchissant fort. La page de colophon est, quant à elle, si brouillonne que les informations s'y perdent. Enfin, la couverture, censée être ce qui présente le livre, laisse perplexe. Le titre y est inscrit dans une typographie très sobre (alors que les affiches des films des années 70 regorgent de polices complètement psychédéliques), imprimée en dorure à chaud, sur un fond en textile rouge. Un code couleur et de matière qui fait appel à un imaginaire d'élégance, ce qui est tout l'inverse du contenu de cet ouvrage .
À travers la collection d’images présentées ‒ provenant toutes d'archives récupérées par le collectif du cinéma Nova à la fermeture du cinéma pour adultes ABC, en 2013 ‒ les auteurs tentent d’élaborer une histoire de la censure d’affiches pornographiques en Belgique depuis les années 70. Cette thématique que Superpositions cherche à aborder aurait pu être intéressante mais est complètement gâchée par le ton léger et potache des textes.
Écrits qui par ailleurs sont uniquement de la main d'hommes. On se retrouve donc une fois de plus avec des images de corps de femmes nus assorties d'un propos théorique qui n’offre qu'un regard masculin.
Les quatre auteurs parlent des absurdités de la censure des corps ‒ encore d'actualité aujourd'hui à travers les réseaux sociaux notamment ‒ et posent quelques questions intéressantes à ce sujet. Ils racontent entre autres comment cette censure a finalement plutôt servi les exploitants de films, en faisant travailler l'imaginaire des passants et en attisant leur curiosité plutôt que de la satisfaire immédiatement, et gratuitement.
Est aussi abordée la dimension créative et ludique de cette censure, principalement exercée à coups de gommettes, mais à aucun moment n'est opposé à ce côté amusant la violence de certaines des images, ou des productions pornographiques plus généralement.
Dans un jeu de provocation, de dérision et de test des limites de l'acceptabilité, l'exploitant censurait ses images publicitaires avec toute une série d'accessoires de papeterie, sans se priver de choisir comme canevas les clichés les plus explicites. Les touches de censure, pour le moins artisanales et souvent d'une grotesque lourdeur, apportent une qualité esthétique et une dimension inattendue, dissimulant et soulignant à la fois.
Ce catalogue de photos d'exploitation censurées montre comment la censure peut devenir un objet de provocation et refléter les limites morales d'une époque.
Il n'y a aucune remise en question de ce genre dans l'ouvrage, et pire encore il n'y aucune réelle prise de position, même positive. Les auteurs choisissent de flotter dans une sorte de flou, excepté le dernier texte qui encense carrément certains films visionnés en cinéma porno. En regardant rapidement les scénarios de ces derniers, on peut voir qu'on oscille entre des histoires de féminicides dans Les Insatisfaites Poupées érotiques du docteur Hitchcock , où des femmes présentées comme folles et ne pouvant se guérir que par l'exercice de la sexualité sont assassinées tout au long du film ; un docu-fiction version gore où l'on suit un homme voyeur qui fait du chantage à une femme (il menace de tuer son fils si elle ne coopère pas avec lui) dans le but de la dégrader au point d'en faire « un animal à qui il ne manque plus qu'une laisse » dans The Animal ; ou encore Mondo Keyhole dont le scénario semble principalement raconter la vie d'un violeur en série à Los Angeles, dont les journées consistent à suivre des femmes, les terrifier et les agresser, et dont l'affiche comportait comme texte « He dared do what other men only dream about... and he did it AGAIN and AGAIN and AGAIN! ». Sans commentaire.