The Brian Jonestown Massacre
L’air estival est lourd mais l’ambiance électrisante dans la Sala Razmatazz de Barcelone, car ce soir, elle accueille les Brian Jonestown Massacre.
Un public fidèle est déjà attroupé et ondule au son des guitares d’Anton Newcombe et de son sextuor. Formation en mouvement constant, où les membres vont et viennent au gré des albums et depuis sa création en 1995 en Californie, le groupe tire son nom épique et maudit d’un croisement entre Brian Jones (guitariste au destin tragique des Stones) et le massacre du culte de Jonestown en Guyane.
Un documentaire de 2004, Dig ! 1 , retrace leur parcours vers la reconnaissance, intimement lié à celui des Dandy Warhols. On assiste aussi aux conflits de Newcombe avec son ancien ami le chanteur Courtney Taylor-Taylor (fondateur du groupe rival Dandy Warhols). On y voit un Newcombe constamment enflammé, inspiré et sans compromis. Il clame à l’écran :
The fuckers. The bean-counters, the lawyers, all of these assholes at every label. Those are people that wreck the music business. Not Napster, not some college kid downloading shit. The people without vision ((« Les enculés, les radins, les avocats, tous ces connards de chaque maison de disques. Ce sont ces gens qui bousillent l’industrie musicale. Pas Napster, pas un étudiant qui télécharge de la musique. Ce sont les gens sans vision. »)).
Parce qu’il a choisi de rester fidèle à son travail et sa « vision », Newcombe n’a pas propulsé sa formation au pinacle de la célébrité MTV – ce qui fut le cas des Dandy Warhols, avec notamment le très pop Bohemian like You —, mais a réussi à fidéliser, rassembler un public curieux et averti qui le suit religieusement, d’autant plus que la formation BJM se fait trop rare sur les scènes européennes. Courtney Taylor-Taylor, amer et pourtant admiratif, dira dans Dig ! :
Je ne les vois jamais manger, je les vois juste boire de l’alcool et sniffer des drogues.
Versés dans la musique expérimentale depuis 2008 et auto-exilés à Berlin (leur dernier album est un hommage à la Nouvelle Vague du cinéma français), les BJM ont toujours été nourris par le rock psychédélique des 60’s et 70’s et sa quête du « transcendantal ». Tantôt atmosphérique, tantôt franchement rock stoner plus lourd et plus appuyé, leurs titres sont habilement réinterprétés au moyen de divers instruments (sitar, etc.). Même les classiques comme Anémone , qu’on les croirait las de jouer, ne sont pas abandonnés.
Nous sommes heureux de pouvoir jouer plus longtemps. D’habitude, nous ne sommes qu’appelés dans des festivals en Europe et nous avons un temps limité, alors que nous voudrions jouer des heures et des heures.
Le fascinant et secret Anton Newcombe ne ment pas à son public, rassemblé dans la moiteur catalane d’un été indien. C’est bien un show de trois heures, brassant les titres de plus de onze (!) albums du groupe, qu’il nous offrira avec une énergie et un naturel de vraie rock star. Le titre de fin, mettant un terme à une messe psychédélique et punk, sera prolongé d’un très long riff de guitare. Une résonance qui restera longtemps encore dans les oreilles d’un public ahuri et secoué par une véritable leçon de rock’n’roll.