The Pretty Reckless, c’est bien l’enfer ?
Elle représente tout ce que je déteste. Et pourtant, une espèce d’obsession me lie à Taylor Momsen, chanteuse et frontwoman de The Pretty Reckless, m’obligeant à toujours aller voir ce qu’elle a bien pu faire de nouveau pour ensuite démonter son travail sans vergogne. Mais voici que Going To Hell , second opus de la formation, pointe le bout de son nez et j’en viens encore à me demander si la donne sera différente cette fois, à croire que je n’ai rien compris.
Le gros problème de The Pretty Reckless est que sa première qualité est également son majeur défaut : cette insupportable chanteuse jemenfoutiste de vingt balais qui, par ailleurs, possède une des plus belles voix qu’il m’ait été donné d’entendre ces dernières années. Taylor Momsen, donc, est une petite peste qui passe sa vie à montrer son corps à qui veut bien le regarder (c’est à dire, beaucoup de gens) et à chanter ses malheurs de petite princesse grunge qui ne comprend pas grand-chose à la vie mais pense en maîtriser tous les aspects.
Elle surfe avec joie sur tous les carcans imposés par le rock au fil des années en mettant à l’honneur tout ce qui est dégueulasse dans la génération actuelle (au choix, le trop plein de fric, la défonce pour le plaisir et le sexe à gogo).
Kurt Cobain, dont elle dit s’inspirer plus que quiconque, a dû se retourner une trentaine de fois dans sa tombe en voyant l’incompréhension totale de celle-ci face au mouvement qu’il a initié il y a maintenant vingt-cinq ans. Autant dire que si elle n’avait pas pris la peine de se trouver des musiciens de talent, The Pretty Reckless aurait été à mes yeux un non-événement complet.
J’ai probablement découvert le groupe comme l’avait prévu Momsen, ayant aperçu la gamine dans une mauvaise série adolescente ( Gossip Girl pour ne pas la citer) et appris qu’elle faisait de la musique qui, pour une fois, n’était pas de la pop acidulée. Je suis donc allé écouter le seul extrait disponible à l’époque ( Make Me Wanna Die ) et me suis pris une claquinette (comprendre par là une petite claque) suffisante pour me dire que le groupe était sympathique et que j’allais acheter leur premier disque, Light Me Up . Et depuis, je me retrouve le fessier entre deux chaises, position très inconfortable s’il en est.
J’ai cependant pu tirer quelques constats en écoutant la galette.
D’abord, The Pretty Reckless n’est réellement efficace que quand il durcit le ton. Les plus grandes réussites de l’album sont sans conteste les morceaux les plus lourds et agressifs. Dans ce registre, la formation n’a déjà plus rien à prouver tant ce qu’elle a fait est efficace.
Ensuite, pour savourer le groupe, il faut savoir faire la part des choses afin d’apprécier la voix de Momsen sans pour autant prêter attention aux monceaux de bêtises qu’elle débite d’un morceau à l’autre. Exercice périlleux mais réalisable. Soulignons également à ce niveau que les seules paroles écoutables correspondent bizarrement aux meilleures compositions du disque, ce qui n’est pas plus mal.
Enfin, il faut comprendre et accepter que le groupe ne sait tout simplement pas écrire une ballade intéressante et que donc, un bon tiers du disque est à jeter, ce qui est légèrement problématique quand celui-ci ne comporte que dix titres.
Et voila résumé toute la problématique de The Pretty Reckless. Le groupe passe son temps à faire ce qu’il ne sait pas faire et ne laisse qu’une petite place à ce qu’il maîtrise vraiment (et ce qu’on attend par ailleurs d’un groupe qui se déclare grunge). Postulat d’ailleurs confirmé avec la sortie d’un EP en 2012 qui, en trois titres, parvient à nous montrer toutes les forces et les faiblesses du combo. Finalement, on en vient à être déçu car il paraît clair que si la formation se remettait un peu en question, on tiendrait là quelque chose de vraiment prometteur d’ici quelques années (quand Momsen aura un peu grandi).
C’est donc dans cet état d’esprit mi-figue mi-raisin qu’on a vu arriver Going to Hell . Après avoir vomi sur la pochette prouvant une fois de plus que la miss a de moins en moins de scrupules à nous dévoiler son intimité, on lance finalement le disque (ou on double-clique sur les fichiers mp3) et on a directement envie d’appuyer sur stop à l’écoute des bruits orgasmiques qui constituent l’introduction du premier morceau. En moins de dix secondes, on a vu à peu près tout ce qui n’allait pas chez The Pretty Reckless. On se dit que ça peut difficilement être pire et on relance le disque.
Et puis, ce qu’on pense être un miracle se produit. En trois morceaux, Going To Hell met tout le monde d’accord. C’est maîtrisé du début jusqu’à la fin, c’est parfaitement exécuté et même les paroles sont écoutables. Trois morceaux pour nous faire comprendre la puissance du groupe quand celui-ci met vraiment la main à la pâte. Les influences diverses (allant de Pink Floyd à Godsmack en passant par les meilleurs groupe de metal alternatif) se perçoivent mais on est très loin de vouloir crier au plagiat. Bref, tout ce qu’on attendait, en mieux. Ce ballon, si parfaitement gonflé pendant une dizaine de minutes… va crever bêtement dès l’arrivée de House on the Hill qui, à son tour, nous montre tout ce qui est mauvais.
Voici donc, comme son prédécesseur, les principaux problèmes de cette nouvelle offrande : une inégalité et un manque d’homogénéité sans pareils. Going to Hell est un cabinet de curiosités. Passé la première partie du disque, on se promène sans jamais savoir ce qu’on va pouvoir entendre et on accepte, tel un auditeur amorphe, de se faire servir en moins d’une heure un morceau audacieux dans sa construction mais complètement raté par ailleurs ( Sweet Things ), un tube que Marylin Manson n’aurait pas renié ( Why Did You Bring a Shotgun to the Party ? ) et, encore une fois, trois ballades à la ramasse.
Quatre ans plus tard, on se trouve toujours coincé entre nos deux chaises et ça commence à bien faire.
De Going to Hell , on ne sort plus déçu, mais désolé. Désolé qu’un groupe ayant autant de potentiel le gâche à faire n’importe quoi, désolé d’avoir une fois de plus espéré, désolé de réaliser que tout cela est encore une fois probablement dû à un caprice stylistique de notre adolescente qui n’arrive pas à choisir dans quel registre officier. Il ne reste plus qu’à attendre l’opus suivant, parce qu’on est toujours autant obsédé malgré cette nouvelle déception, qu’on se dit que la prochaine fois, ils auront compris même si on craint qu’ils ne comprennent jamais.