Tuer tous les rois et aller de l’avant
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le début d’année 2014 aura été un peu pauvre pour l’amateur de musique « dure ». Mais le hardos chevelu peut désormais se réveiller et sortir de sa grotte. Les disques alléchants commencent enfin à arriver et c’est Channel Zero qui ouvre le bal avec un disque pour le moins inattendu.
C’est fou comme on peut être chauvin en Belgique dès qu’il y a quelque chose ou quelqu’un qui sort un peu du lot dans notre paysage sportif ou culturel (oui, Stromae, je te pointe du doigt). Fou, certes, mais explicable par la grandeur toute relative de notre pays. Alors c’est normal, de temps en temps, on aime bien crâner et être les meilleurs, surtout quand on passe devant la France au point qu’elle revendique nos chouchous (oui, Stromae, je te pointe encore du doigt). Néanmoins, ce chauvinisme a plus tendance à m’écœurer qu’autre chose.
C’est pourquoi je passe souvent à côté de pleins de choses différentes parce que je déteste le message qui dit que « si c’est belge, c’est bien ». Et puis un beau jour, comme tout amateur de musique qui fait du bruit qui se respecte, on écoute Channel Zero et on a l’air bien bête. D’abord parce que c’est belge, ensuite parce que c’est bien.
Pourtant, belge, le groupe ne l’est plus qu’à moitié. Il faut dire que les membres ont traversé quelques épreuves depuis leur tonitruant retour de 2010 (six dates à guichet fermé à l’Ancienne Belgique, un disque assez chouette et deux passages remarqués au Graspop). Effectivement, s’ils s’étaient déjà séparés de leur guitariste historique pour de sombres raisons, c’est le batteur qui s’en est allé cette fois-ci, mais pas de sa propre volonté. En effet, Phil Baheux est décédé l’été dernier d’une rupture d’anévrisme, laissant un groupe orphelin qui, après avoir interprété un morceau hommage au Brussel Summer Festival, n’a plus donné signe de vie.
Aussi, vous comprendrez mon étonnement à l’annonce de Kill All Kings , sixième opus du groupe, qu’on n’attendait pas avant un moment. Cette information s’est couplée à l’introduction du nouveau batteur : Roy Mayorga qui officie déjà dans Stone Sour, ce qui porte le compteur d’Américains au sein de la formation à deux. La surprise mêlée de dégoût passée (parce que bon, ils sont allés vite quand même les petits gars de Channel Zero), on adhère au message du groupe qui veut clairement aller de l’avant.
Je n’imaginais juste pas à quel point ils iraient en avant. Kill All Kings , s’il n’est pas foncièrement mauvais, est un disque méconnaissable. Pire encore, si la voix (nettement moins puissante que d’habitude) de Franky De Smet-Van Damme n’était pas là pour nous rappeler ce qu’on écoute, on pourrait presque croire avoir à faire à une compilation de divers groupes. Channel va de l’avant, certes, mais ne sait pas quel chemin emprunter, se retourne, se perd. On passe par exemple d’un morceau épique, rempli de cavalcades à une bouillie électronico-moderne sans aucune transition. Le tout est lissé par une production insipide qui met tous les instruments au même niveau, donnant un rendu plat et morne.
Et le thrash (comprendre par là des morceaux lourds, agressifs, fâchés contre la société) alors ? Eh bien le groupe n’a pas complètement oublié son genre de prédilection et nous sort tout de même quelques brûlots pas piqués des hannetons. Ça agresse correctement, ce n’est pas désagréable, mais encore une fois, ça manque cruellement d’originalité. Le groupe, qui nous avait laissé sur une note positive avec leur précédent opus ( Feed’em With a Brick ), ne parvient pas à réitérer l’exploit. Une fois de plus, De Smet-Van Damme y est pour beaucoup. Le monsieur n’arrive plus à faire décoller sa voix et manque clairement de conviction et d’inspiration ; au point d’essayer de nous faire avaler un abominable morceau sur lequel il chante en trois langues. Encore une fois, la tentative d’originalité tombe complètement à plat. Ils ont même fait l’abominable erreur de « métalliser » la ballade écrite en l’honneur de Baheux, la rendant inécoutable par la même occasion.
En cette année 2014, seulement quatre ans après leur apogée, Channel Zero s’effondre. Et pourtant, on écoute quand même cette offrande avec un plaisir teinté d’ennui. Parce que si ce disque n’a rien de fantastique et est même franchement décevant pendant plusieurs minutes, rien n’est mal exécuté. Non, cette galette est juste à l’image du groupe en ce moment, détruite et déstructurée.