critique &
création culturelle

Ultra Dramatic Kid de Muddy Monk

Musique pour robots nostalgiques

Avec un synthétiseur strident et des signaux distordus, le chanteur Muddy Monk nous emmène dans un futur robotique et émouvant. Sa machine à voyager dans le temps est son deuxième album expérimental : Ultra Dramatic Kid.

Le chanteur-compositeur fribourgeois de 33 ans n’en est pas à sa première expérience musicale. En 2018, sa combinaison ignifugée de pilote automobile et son album Longue Ride nous ont fait voyager sur des routes pleines de tendresse, notamment avec le titre « Baby » interprété chez ColorsxStudios. Revenons aujourd’hui sur Ultra Dramatic Kid, son deuxième album hors du commun. Comme l’illustre sa couverture, il s’agit d’une chute libre vers des textures sonores plus osées, plus extrêmes.

À la première écoute, on ne comprend pas cet ensemble de morceaux dont la plupart commence par une vingtaine de secondes presque inaudibles. Des introductions aux sonorités métalliques et électroniques criardes qui s’effacent lorsque le volume des pistes mélodiques augmente enfin. On pourrait croire que Muddy Monk est un mauvais musicien qui parasite les premières notes de ses chansons. En réalité, la transition du bruit à l’harmonie met en valeur sa voix qui apparaît à chaque fois comme une délivrance. Une voix douce sur laquelle on entend de la reverb (« Intro », « Face ou pile ») ou un effet numérique (« Smthng », « TR ») pour créer une atmosphère futuriste. Cet univers avait été annoncé par l’étreinte robotique en couverture de son single précédent, Mylenium.

Mylenium

À la deuxième écoute, on se concentre sur les paroles. Rappelant le titre « Mamour » d’Odezenne, Muddy Monk raconte des souvenirs flous d’enfance et d’amour dont on ne devine que la distance conjuguée à l’imparfait. Le morceau « Smthng », qui cumule le plus grand nombre d’écoutes sur Spotify, incarne parfaitement ce regard mélancolique sur un passé en pagaille :

« Non, j’ai jamais eu la tête à comprendre

Le sens d’une vie passé à attendre

Putain, les soirées où personne danse

Leur confort avait un goût de souffrance »

On imagine un poète nostalgique, perdu entre les machines d’un futur cyberpunk tel qu’imaginé en 1980. Ultra Dramatic Kid pourrait très bien servir de bande originale à Blade Runner ou Akira.

Sans revenir sur la troisième ou la douzième écoute qui nous attachent un peu plus à cet album, la meilleure façon de profiter d’Ultra Dramatic Kid est de visionner le court-métrage qui lui sert de clip. Vingt-trois minutes de noir et blanc, réalisées par Félix de Givry, qui confirment l’obsession de l’artiste pour les androïdes et la mémoire. On y découvre une voiture volante à bord de laquelle un robot croque-mort transporte un mystérieux cercueil. Une fois conduit à l’intérieur d’un ordinateur géant, le macchabée vieilli de Muddy Monk libère ses souvenirs les plus tendres. Entre deux morceaux électroniques, on devine le chant des cigales et on s’émeut d’une histoire d’amour adolescente. Et puis soudain, des couleurs apparaissent pour cette merveilleuse scène de fin rythmée par le naïf « Satin Dolls ».

Vous l’aurez compris, il est nécessaire d’écouter plusieurs fois Ultra Dramatic Kid avant de se laisser envoûter par cette expérience musicale en avance sur son temps. Muddy Monk n’a pas fini de nous surprendre, il vient d’ailleurs d’annoncer son prochain album BINGO PARADIS! dont l’ambiance plus calme sera dévoilée le 27 septembre.

Même rédacteur·ice :

Ultra Dramatic Kid

de Muddy Monk
Half Awake Records, 2022
32 minutes

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