Une femme en quête de sens, d’unité…
Dans la Femme mosaïque de Claire Ruwet, nous suivons la rébellion d’une épouse contre tout ce qui fige et annihile, éparpille, dilue. L’inspiration, les aspirations…
Voici un petit livre simple mais attachant, émouvant. Curieusement transposé dans un futur indéterminé mais pas très lointain, dans une géographie inventée mais qui sent le sud de la France et la Catalogne. Un moment de remise en question pour une femme arrivée à la croisée des âges. Déjà grand-mère mais pleine d’appétits encore.
Éliane, une mosaïste, un jour, échappe à un accident (ou un attentat ?). D’avoir frisé la mort la fait réfléchir. Et se découvrir un peu morte déjà. Négligée par un mari, Hector, qui fut un bon compagnon mais qui cumule les activités (alimentaires et artistiques) et ne partage quasi plus ses nuits. Submergée par une vie qui s’étiole, se fane, se décolore. Non, ses quatre enfants déjà élevés et ses petits-enfants, la routine de la vie ne lui suffisent plus. Elle veut être encore vue, touchée, rêver, réaliser.
Le voyage. Comme mise en abyme de l’aventure, du renouvellement, des rencontres. Elle le propose à Hector qui refuse, ne mesure pas… Elle file. Direction Escadaldra, une métropole dont la silhouette évoque la Barcelone de Gaudí. Et ne revient pas. Pas de suite. S’attarde. Croise des gens, s’attache, partage. Se nourrit, puis nourrit à son tour. En compagnie de jeunes gens qui la ramènent à la transmission du savoir, au sens. Jusqu’à vouloir renouer avec un amour perdu, Pedro.
Le récit est bien écrit. Vif, enlevé. On suit avec intérêt les pérégrinations d’Éliane. D’autant qu’elle nous propose un miroir qui nous interpelle quasi tous et toutes, peu ou prou. Celui du retour sur soi. De la digestion du passé du présent, de l’avenir. Des interrogations sur les choix, les carrefours de l’existence :
Je ne suis qu’un fragment, se dit-elle, imbriqué parmi des milliers d’autres fragments d’une mosaïque en mouvement, comme la file des cyclistes aux lampions, sans pouvoir sur ce qui s’est passé avant et sur ce qui viendra après. La vie me façonne et si le sens de l’œuvre m’échappe, les tesselles qui m’entourent me rejoignent parce qu’elles s’emboîtent le long d’un de mes bords, partageant une même fêlure. Sans elles, je ne suis pas une œuvre achevée. Si je disparais ou qu’on me change de place, l’œuvre sera différente.
Retrouvera-t-elle le fil d’une autre vie, évanouie sans qu’elle comprenne vraiment pourquoi ? Tournera-t-elle le dos à son passé pour renaître et se réinventer ? Ou rentrera-t-elle dans le rang, harcelée par ses proches ? Ou alors encore… ?
Claire Ruwet
La Femme mosaïque
Éditions M.E.O., 2014
112 pages