Sidi Larbi Cherkaoui nous emmène dans un voyage entre la Flandre de la Renaissance et la Flandre contemporaine avec une troupe de danseurs et de chanteurs des quatre coins du monde. Vlaemsch est à la fois une célébration de ce qui fait la richesse de la région et un pied de nez aux revendications nationalistes.
Vlaemsch nous immerge dans la Flandre du XVe siècle, que ce soit à travers la scénographie d’Hans op de Beeck – une église, une chambre à l’ancienne, les sculptures qui bordent la scène, le tout baigné dans une atmosphère éthérée –, certains costumes ou encore les chants en latin, en vieux français ou en vieux flamand. Avec sa mise en scène, Cherkaoui plonge le spectateur dans l’environnement culturel riche et foisonnant de la Flandre de la Renaissance, tout en démantelant, avec humour, le projet du « canon flamand » proposé par Bart de Wever. Ce dernier essaye en effet de redéfinir une identité flamande étriquée et figée en utilisant les figures historiques qui en ont fait sa grandeur : une manipulation de l’Histoire et des grands artistes flamands de la Renaissance qui étaient pourtant profondément tournés vers le monde. Le chorégraphe vient rétablir les faits dans son spectacle en nous prouvant que l’identité flamande est mouvante et ouverte à la diversité dont elle tire sa richesse.
La représentation d’1h45 alterne des passages plus théâtraux (mentionnons particulièrement les tentatives de reproduction de la Cène, avec un Jésus hagard entouré de ses disciples – une infirmière, un postier, une jeune mariée, une secrétaire et bien d’autres) avec des scènes de jeux chorégraphiques autour d’un objet (cube, boîte en carton, pinceaux, cadres…), des performances individuelles et collectives, ainsi que des moments exclusivement musicaux – les musiciens, qui ont souvent plusieurs casquettes, étant pleinement intégrés dans la mise en scène. L’humour y est toujours bien présent, que ce soit lors de la scène de la visite guidée cynique du patrimoine flamand ou celle de la course cycliste effrénée.
Il est difficile de décrire précisément ce qui fait la force de Vlaemsch tant la performance est riche. Épinglons quand même les multiples talents des artistes qui peuvent passer de la danse au chant lyrique ou à la comédie, combinant parfois plusieurs de ces facettes, ainsi que les jeux sur la langue – en plus du français, du flamand et du latin, les danseurs interviennent dans leurs propres langues (japonais, allemand, anglais, russe, ukrainien…). On reste également bouche bée devant leurs capacités : ils enchaînent des mouvements saccadés et physiquement très intenses, frôlant d’ailleurs parfois la contorsion.
Avec Vlaemsch , Cherkaoui nous montre que la Flandre est multiculturelle et que c’est précisément ce qui fait sa force. Le chorégraphe en est d’ailleurs le parfait exemple, fils d’une mère flamande et d’un père marocain, il célèbre son identité et fait rayonner la Belgique à l’international. Si nous ne devons retenir qu’une chose de la représentation, c’est qu’il est possible d’aimer profondément ses origines sans tomber dans un repli nationaliste nauséabond. Un message qu’il est particulièrement utile de rappeler à notre époque.