Cavale , road trip au féminin dans les Ardennes

Petit tour du côté de la compétition nationale avec Cavale , premier film de Virginie Gourmel. Un teen movie bien belge sur la différence et la souffrance.

L’accent, les Ardennes et la thématique sociale. Oui, nous sommes bien devant un film de cinéma belge. Virginie Gourmel met en scène trois jeunes femmes très différentes, qui s’échappent de l’hôpital psychiatrique d’où elles sont internées. Kathy vient d’entrer dans cet établissement qu’elle ne supporte pas. Elle se lance sur un coup de tête dans une cavale et se trouve accompagnée, contre tout attente, par ses deux compagnes de chambre, Nabila et Carole. Les trois jeunes filles traversent les décors belges et luxembourgeois pour retrouver le père de Kathy, « le seul à pouvoir la faire sortir de cette prison ».

Trois caractères, trois « maladies ». L’une se fait du mal, l’autre est accro aux pilules et la dernière est boulimique. Les personnalités et les blessures des personnages se dévoilent tout au long de ce road trip improvisé. Plus que sur le récit lui-même, c’est sur ces jeunes filles que le film se focalise. Il est assez rare de voir à l’écran le mal-être de jeunes adolescentes rebelles, cette place étant souvent laissée aux garçons. Les trois comédiennes tiennent là de jolis premiers rôles dans l’incarnation de ces trois jeunes filles en quête de sens. Alors que la première partie du film se focalise sur les personnages et fonctionne assez bien, on se perd ensuite dans un scénario qui ne se positionne pas assez clairement. Virginie Gourmel questionne la notion de folie sans véritablement aller au bout de son raisonnement. Quelques angles manquent de profondeur mais malgré les quelques petits défauts, Cavale reste une jolie ode à la liberté.

Yves , apprendre à cohabiter avec son frigo

En ouverture de la compétition Director’s week , on trouve le la clôture de la Quinzaine de réalisateurs de Cannes : Yves de Benoit Forgeard.

Yves est un frigo. Mais pas n’importe lequel : le frigo intelligent, prêté à Jérèm dans le cadre d’une phase de tests. Jérèm est un rappeur raté qui passe son temps à composer des titres un peu mous dans une maison qu’on confondrait facilement avec une porcherie. Yves commence par analyser les habitudes de Jérèm pour lui commander ses courses automatiquement. Il s’immisce ensuite de plus en plus dans la vie personnelle du rappeur : il joue le rôle d’entremetteur avec la fille sur laquelle Jérèm a des vues, l’aide à améliorer ses titres et finit même par les écrire lui-même. Le frigo de Jérèm finira même par devenir son rival sur le plan professionnel mais aussi amoureux.

Yves pourrait être considéré comme le pendant comique de Black Mirror mais il n’a pas son tact ni sa profondeur. On se trouve dans une comédie potache sans beaucoup de recherche avec du rap vulgaire, des filles, des soirées et Philippe Katherine comme grand copain encombrant..

Ray & Liz , regard touchant sur un couple rustre

Le photographe britannique Richard Billingham a présenté son premier long métrage de fiction (il a déjà réalisé quelques documentaires) en compétition internationale au BRIFF. Il repart avec le prix du jury de sa catégorie.

Ray et Liz Billingham sont les parents de Richard. Son film est largement autobiographique. En trois séquences particulièrement marquantes de la vie du couple, il nous dresse un portrait de ses parents. Dans la banlieue de Birmingham des années 80, Ray, Liz et leurs trois enfants survivent tant bien que mal à leur quotidien. Bien que les personnages soient représentés frontalement, ne cachant pas leur alcoolisme, leur fainéantise et leur manque d’attention pour leurs enfants, le souvenir qu’on en garde après le film n’est pas tellement négatif. Billingham a réussi à présenter ses parents avec une certaine élégance, malgré les situations impensables dans lesquelles ils mettent leurs enfants.

Ray & Liz est donc un film social britannique à la Ken Loach, mais en plus contemplatif. La patte du photographe se fait bien sentir et donne un côté artistique à ces logements sociaux et ce quotidien si terre à terre. Une belle découverte.

Dirty God , le malheur ancré dans la peau

Retour en compétition nationale avec Dirty God , coproduction belge réalisée par la réalisatrice néerlandaise, Sacha Polak et tourné en Angleterre.

Dirty God raconte la période de reconstruction de Jade après un événement épouvantable. Elle a été défigurée à l’acide par son compagnon. Après cet incident, il ne lui reste plus que sa petite fille de deux ans qui ne la reconnaît plus et son visage marqué pour toujours. Le film retrace la tentative de retour à la vie quotidienne par laquelle la jeune fille doit passer. Le plus dur à supporter est l’importance du regard des autres qui est maintenant perpétuellement dirigé sur elle et qui est un obstacle permanent à sa propre acceptation de soi.

Le rôle principal est tenu par Vicky Knight, et ses cicatrices ne sont pas artificielles. La jeune fille a bien été victime de brûlures et a accepté de se montrer devant la caméra de Sacha Polak pour incarner le personnage de Jade. Son actrice principale est probablement l’atout majeur du film.

Avec un sujet comme celui-là, il est parfois difficile de ne pas entrer dans le pathos mais la réalisatrice néerlandaise réussit à ne jamais y tomber. Sans être particulièrement novateur ou étonnant, Dirty God est un film à la réalisation maîtrisée et au message critique, mettant en lumière une réalité très dure et bien réelle mais que peu de gens peuvent s’imager.