Sara Summa présente son film pour la troisième fois en festival. D’abord à Berlin, où elle fait ses études de cinéma, puis au Cinepocalypse de Chicago d’où elle est repartie avec les titres de meilleur film et  meilleure réalisatrice et maintenant au BRIFF. Gli ultimi a vederli vivere est un film d’école qui n’a rien à envier aux films de réalisateurs bien installés. 

Gli ultimi a vederli vivere (« Les derniers à les avoir vu vivants ») retrace la journée d’une famille banale du sud de l’Italie. Une mère dépressive, un père inquiet pour ses affaires, une jeune fille débrouillarde qui s’occupe de la maison et un jeune garçon bricoleur. On rencontre les personnages au réveil et on les quitte au coucher. La seule particularité de cette famille est que tous ses membres vont se faire assassiner dans la nuit, lors d’un cambriolage. Cette mort prochaine et brutale est annoncée dès les premières minutes du film. 

Le titre fait écho aux répliques de romans ou de films policiers où on interroge le témoins : les derniers à les avoir vus vivants. Ici, le titre fait également référence à la tête d’un chapitre du livre De sang froid de Truman Capote. En effet, Sara Summa s’empare du même fait divers que Capote a repris des années avant elle, et reconstruit la dernière journée de cette famille, là où l’écrivain américain s’intéressait plutôt aux meurtriers. Bien qu’elle reprenne la même base et le même procédé que Capote, c’est une fiction qu’elle nous présente. La famille originaire du Kansas est replacée dans les paysages de l’Italie du Sud d’où est originaire la réalisatrice. 

Ici, les derniers à les avoir vu vivants, c’est nous, spectateurs, et nous savons que nous assistons à leurs dernières heures. L’annonce de cette mort prochaine donne un ton tout particulier à l’histoire de cette famille banale, qui l’est, à cet égard, beaucoup moins. Comme Sara Summa l’explique elle-même lors de la projection au BRIFF, ce n’est pas vraiment une histoire qu’elle a voulu raconter, mais une expérience qu’elle a voulu transmettre.

En effet, le film ne raconte pas grand-chose. Il entre simplement dans le quotidien ordinaire d’une famille italienne mais le seul fait de savoir que ce sont leurs derniers moments donne une dimension singulière à chaque geste, chaque discussion. Lors de cette journée, les enfants préparent notamment le mariage de leur grande sœur qui se déroulera « la semaine prochaine », les parents parlent de l’opération que subira « très prochainement » la maman et qui l’aidera à guérir… Toutes ces allusions au futur résonnent avec un goût amer car il n’est pas compliqué de s’attacher bien vite à cette petite famille attentionnée.

Le décor de l’Italie du Sud, le soleil de plomb, les terres jaunes, brûlées par la chaleur, devient lui aussi un personnage à part entière de cette photo de famille. Sara Summa ponctue le film de travelings avançant sur une route quasi désertique, accompagnés de musique (qui n’existe qu’à ces moments dans le film). Cette route renforce le lien entre la famille, le récit et le paysage mais évoque également bien plus. On avance inéluctablement sur cette route comme on avance dans la vie sans savoir quand elle s’arrêtera. Gli ultimi a vederli vivere offre donc une expérience de cinéma surprenante. Avec une très belle réalisation, le film se déroule tout doucement et tendrement auprès de cette famille touchante. Il se termine brusquement et avec une grande violence malgré le hors-champs, et c’est peut-être justement cette absence d’image qui rend cette conclusion d’autant plus violente. Quoi qu’il en soit, l’histoire tragique de cette famille hantent jusqu’en dehors des salles de cinéma.

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Gli ultimi a vederli vivere

Réalisé par Sara Summa
Avec Canio Lancellotti, Pasquale Lioi, Barbara Verrastro
Allemagne, 2019
79 minutes