Irrɘvɘrsiblɘ : Invɘrsion intɘgralɘ
Pour son deuxième long-métrage, le réalisateur Gaspar Noé propose au spectateur une plongée dans ce que l’être humain peut avoir de plus sombre et violent. À sa sortie en 2002, Irréversible était monté sous une forme antéchronologique1. Avec cette inversion intégrale, le metteur en scène offre ainsi une tout autre vision du film.
Dans tout art, mais particulièrement le cinéma, il y a des expériences qui déposent sur la rétine des images à jamais inoubliables. Irréversible fait partie de ces voyages desquelles on ressort assommé, le souffle coupé, à jamais marqué. Souvent habitué des histoires assez simples, le réalisateur raconte l’histoire d’un homme cherchant à venger le viol et le meurtre de sa femme.
Largement hué lors de sa projection au Festival de Cannes en 2002, le film a divisé et divise encore ceux qui l’ont vu. Alors que certains crient au scandale pour sa violence facile, d’autres louent l’innovation qu’a apportée le film à l’époque par sa mise en scène.
C’est bien dans cette dernière que le film puise toute sa force, son essence même. Alors que la première version commence directement par les scènes les plus violentes pour ensuite terminer par des scènes plus douces, plus humaines, cette nouvelle version opère un effet miroir. Assez fixe au début, la caméra amène ensuite son spectateur dans une danse effrénée au fur et à mesure que la soirée avance. Et c’est bien là une des caractéristiques du metteur en scène : son maniement singulier de la caméra. Elle donne l’impression d’être guidée par elle-même, sans contradiction dans son mouvement.
Au niveau de la bande son choisie, le réalisateur a fait appel à Thomas Bangalter, membre du groupe Daft Punk, proposant ainsi une BO sombre et anxiogène. Un des morceaux a notamment été composé sous une fréquence de 27 Hz (proche d’un infrason), ce qui peut provoquer des nausées en l’absence d’un son home cinéma.
Une des grandes particularités de cette version est que, ici, Gaspar Noé nous laisse le temps de nous attacher aux personnages. Le film commence avec de belles scènes de complicité, d’amour, d’amitié. C’est bien à cause de ces scènes que le reste du film sera aussi ardu à regarder, tant il est difficile de voir nos personnages plongés dans une transe guidée par la violence et la vengeance la plus cruelle. Véritable point d’orgue et principale source de haine envers le film, la scène du viol est d’un réalisme effroyable. Caméra au sol, rien de plus. Pas de mise en scène, simplement l’horreur qui défile sous nos yeux pendant neuf minutes.