Ce jeudi 20 juin, le Brussels International Film Festival entamait sa seconde édition. Pour inaugurer le festival, It Must Be Heaven du Palestinien Elia Suleiman a été choisi. Mention spéciale du jury et prix de la critique internationale au festival de Cannes, c’est un petit bijou qui a été présenté en film d’ouverture.
Le cinéma UGC a revêtit son plus beau tapis rouge. Le village BRIFF s’est installé au centre de la place De Brouckère. La foule se presse et les files se forment (pas toujours très facile de s’y retrouver d’ailleurs). C’est parti pour le BRIFF, épisode 2, du 20 au 29 juin.
À l’image de la ville cosmopolite dans laquelle il s’installe, la programmation du festival est très éclectique. Trois compétitions différentes : internationale, nationale et la directors’ week . En plus de cela, toute une série de off , comme la carte blanche de Bouli Lanners au sujet de l’écologie, la rétrospective Abel Ferrara, le retour sur la filmographie d’Emilie Dequenne pour fêter ses vingt ans de cinéma, sans oublier l’invité d’honneur, Michel Hazanavicius, les projections open-air et bien plus encore.
Ce jeudi soir, c’était dans la fameuse salle 7 et son décor art-déco que les tous premiers festivaliers se sont installés. Dans ce cadre unique, nous avons découvert le dernier film d’Elia Suleiman : réalisé par Elia Suleiman, produit par Elia Suleiman, dont le premier rôle est tenu par Elia Suleiman, qui joue même le personnage d’Elia Suleiman.
Tout au long de son film, le réalisateur se place en personnage observateur. Mains croisées derrière le dos, chapeau vissé sur la tête, il se pose et regarde. Nous le trouvons tout d’abord en Palestine. Il semble ne plus reconnaître son pays où des bandes de voyous parcourent les rues et où la police est aveugle à l’incivisme qui se déroule sous ses yeux. Il nous emmène ensuite en France, à Paris, puis aux États-Unis, à New-York, où il essaye tour à tour de produire son film mais sans succès. It Must Be Heaven raconte l’histoire d’un personnage qui se cherche et cherche à trouver sa place. Il finit par redécouvrir son pays en le quittant pour mieux y revenir.
Là où le film brille, c’est au niveau de sa mise en scène. Chaque plan est millimétré pour devenir un véritable tableau. Puisque nous sommes dans la situation d’un personnage qui observe, il y a énormément de plans fixes. D’une part sur Elia Suleiman, presque toujours cadré au niveau de la poitrine, placé exactement au centre de l’écran. D’autre part, sur ce qu’il observe, parfois un peu de travers ou au contraire complètement droit, symétrique et harmonieux. C’est un cinéma tout à fait particulier que nous offre le réalisateur palestinien. Il prend le temps de poser les choses et de les regarder. Le tout accompagné d’une superbe bande originale tout à fait étonnante et éclectique. Le rythme peut sembler lent au départ mais on s’habitue bien vite à prendre le temps de simplement observer, comme lui, avec lui.
Mais It Must Be Heaven est aussi avant tout une comédie. L’absurde, l’improbable et l’exagération se font une jolie petite place dans la mise en scène. On découvre par exemple avec Elia un Paris complètement vide, de la pyramide du Louvre au jardin du Luxembourg en passant par les bords de la Seine et ses ponts ; à New-York, tout le monde se balade avec de grosses armes à feu sur l’épaule… Sans dire un mot (il n’en prononcera que deux dans tout le film), Suleiman ne manque pas de critiquer certains travers des sociétés française et américaine. Il le fait très subtilement, dans une mise en scène absurde, comme une caricature qui grossi les traits du monde. En fin de compte, il ne semble pas y avoir tant de différences entre Paris, New-York et Nazareth.
Finalement It Must Be Heaven est une petite perle à la mise en scène magnifique et au rythme rêveur. Elia Suleiman est un très bon comédien qui raconte beaucoup de choses grâce à son corps et son visage. Ses expressions participent de l’effet comique et de l’esprit candide du film. Une petite bulle onirique et une déclaration d’amour à la Palestine à découvrir dans les cinémas belges en décembre 2019.