critique &
création culturelle
Pavarotti :
quand un fruit devient mûr, il devient plus goûtu

Connu surtout pour les Trois Ténors , le chanteur d’opéra Pavarotti revient non pas sur scène, mais bien sur les écrans avec ce documentaire du réalisateur oscarisé Ron Howard qui lui rend hommage, douze ans après sa disparition.

Pavarotti: Genius Is Forever relate l’histoire de Luciano Pavarotti (1935-2007), célèbre ténor italien d’opéra, ayant popularisé la musique classique, se libérant ainsi des traditions étriquées de ce genre et amenant l’opéra au plus grand nombre.

Homme complexe et imparfait aux multiples paradoxes, Pavarotti était un artiste doté d’un énorme don, mais qui n’arrivait pas nécessairement à gérer toutes ses responsabilités, qu’elles soient privées ou professionnelles. Pavarotti: Genius Is Forever se permet d’aller dans les coulisses de la vie de cet homme imposant autant par sa carrure que par sa voix.

Entre la vraie vie et celle rendue à l’écran

Pourtant, malgré cette figure de proue, le documentaire ne décolle pas vraiment. Présenté de manière assez basique entre des images d’archives familiales, des interviews et des enregistrements télévisés, le spectateur assiste plutôt à une présentation routinière de la vie de l’artiste.

Ron Howard, le réalisateur, disait : « Il (Pavarotti) était tellement charismatique et il y avait tant d’inspiration en lui, qu’il semble que ça ait touché le public. Le premier objectif du documentaire était de raconter son histoire de sorte qu’elle prenne la forme d’un opéra sur Pavarotti lui-même, en s’appuyant sur les arias qu’il interprétait si brillamment ». Pari manqué puisqu’en dehors de l’aspect « Pavarotti, l’homme », Ron Howard n’exploite nullement l’art magique et difficile qu’est l’opéra.

Le talon d’Achille de ce film se trouve dans le fait que ce n’est qu’un éloge à Pavarotti, voire un encensement. Aucun témoignage ne dira du mal de lui, ce qui remet en question le positionnement de Ron Howard envers son sujet. En effet, le documentaire manque cruellement de prise et de passion et ceci est peut-être dû au fait que le réalisateur ne connaisse pas grand chose à l’opéra. Ron Howard le disait lui-même :

« Mon approche a toujours été que je ne suis pas vraiment une autorité sur aucun de ces sujets. Je suis quelqu’un en train de découvrir et j’essaie juste de partager avec le public ce que j’apprends. »

Nous assistons donc à un film respectueux, vénérant, affectif envers son sujet, mais qui ne marque aucun tournant majeur au sein de la structure scénaristique. Passivement, nous nous retrouvons devant l’ascension de Pavarotti dans le monde de l’opéra pour ensuite se pencher sur ses succès, puis pour finir sur les Trois Ténors et les tumultes dans sa vie privée concernant sa relation avec celle qui sera sa deuxième femme, Nicoletta Mantovani.

D’ailleurs, soulignons que c’est plutôt grâce à cette dernière que le documentaire détient autant d’informations liées à la vie artistique et privée du chanteur d’opéra. Nicoletta Mantovani a mis à disposition sa collection personnelle d’images montrant Pavarotti sous son côté ludique, charmeur voire bêta. Elle a aussi permis la réalisation d’interviews avec des personnes proches du chanteur, telles que Adua Veroni, la première épouse de Luciano, les trois filles Pavarotti (Cristina, Lorenza et Giuliana) ainsi que Plácido Domingo et José Carreras. Cette multiplicité et cette opportunité de pouvoir interviewer des personnes ayant côtoyé la star de l’opéra n’a pas été utilisé à bon escient par Ron Howard, car rien ne sortant de ce que nous savions déjà n’a été énoncé. Le réalisateur a-t-il posé les bonnes questions à ses personnes de choix ?

Quand Pavarotti est plus âgé et qu’il s’émancipe des contraintes de l’opéra, sa voix devient encore plus un réel délice. Quelques instants de la « Pietá Signore » de Stradella, à la fin du film, conquièrent le coeur de tous ceux un minimum sensibles à la musique. Mais le film, dans son entièreté, ne prend pas la peine de le souligner, se contentant seulement de présenter un plat froid et basique pourtant disposé sur une assiette d’argent.

Même rédacteur·ice :

Pavarotti

Réalisé par Ron Howard
États-Unis et Angleterre, 2019
114 minutes