critique &
création culturelle
The Stranger
Respire et expire

Film d’infiltration et thriller psychologique, The Stranger bouscule les codes établis de ces deux genres. Dans cette histoire tirée d’une histoire vraie, le réalisateur Thomas M. Wright nous fait découvrir une Australie sombre et ténébreuse, secouée par l’affaire judiciaire de l’enlèvement et la mort d’un enfant. Film étouffant qui secoue par sa mise en scène, The Stranger revisite le film policier de façon grandiose.

Au contraire d’autres productions Netflix, The Stranger s’est relativement fait discret. Présenté à Cannes en 2022 dans la catégorie « Un certain regard », le film se voit ensuite racheté par Netflix, bien que l'on encourage le spectateur à aller voir The Stranger dans une salle obscure.

Lorsque Henry (Sean Harris) et Mark (Joel Edgerton) se rencontrent, une amitié se crée. Seulement, Mark est en réalité un agent d’infiltration chargé d’enquêter sur Henry Teague, lequel serait à l’origine du meurtre non élucidé d’un jeune enfant huit ans auparavant. C’est donc toute une opération qui se met en place dans le but de trouver les preuves de l’implication d’Henry dans ce crime.

Derrière ce synopsis qui, à première vue, ressemble à ce qui a déjà été fait dans le genre du film policier et d’espionnage, The Stranger détonne grâce à son style graphique très marqué.

Constitué de nombreux « cuts »1 très bruts, le film installe une tension constante qui pousse le spectateur à se plonger dedans très rapidement. Ce choix, qui peut perturber au début, donne au film une puissance visuelle qui le rend si particulier. The Stranger se permet même, par moments, des instants le faisant basculer dans le film d’horreur. Par exemple, lorsque Mark rentre chez lui tard dans la nuit, on aperçoit le visage d’Henry, tapis dans l’ombre du salon, le regardant sans rien dire.

Autre point fort, si ce n’est le principal : l’interprétation de ses deux acteurs principaux. Sean Harris, qui incarne Henry Teague, est impressionnant en personnage dérangé et sous l’emprise d’une violence qu’il ne maîtrise pas. Regard tantôt doux, tantôt angoissant, l’acteur se transcende dans ce rôle et offre une composition proche de la folie, mais une folie maîtrisée, ne manquant pas de la rendre encore plus angoissante.

Joel Edgerton, lui, incarne un père de famille essayant tant bien que mal d’élever son fils du mieux qu’il peut tout en jouant un double jeu à côté pour sa mission d’infiltration. Fatigué, nerveux, angoissé, son jeu oscille entre brutalité et tendresse pour, au final, créer un personnage humain avant tout.

Lorsqu’ils sont tous deux à l’écran, les deux acteurs offrent des instants touchants, prouvant la bonne idée du réalisateur de les avoir choisis. C’est véritablement vers la fin du film que cette relation passe un coup d’accélérateur, alors que l’opération d’infiltration avance. C’est peut-être là une des faiblesses de The Stranger , cette envie de faire avancer le récit trop rapidement pour en arriver à sa conclusion. Peut-être aurait-il fallu au film quelques minutes en plus pour offrir un final digne de ce nom.

Sans être l’œuvre cinématographique de cette fin d’année 2022, The Stranger a la bonne idée de sortir des sentiers battus dans un catalogue Netflix ayant souvent tendance à penser quantité au lieu de qualité. Grâce à The Stranger , le film d’espionnage se découvre un nouveau souffle et pourrait bien en inspirer ses successeurs.

Même rédacteur·ice :

The Stranger

Réalisé par Thomas M. Wright

Avec Sean Harris, Joel Edgerton, Ewen Leslie

Australie, 2022

117 minutes