critique &
création culturelle
Vivarium
Un lieu où vivre

Dernière séance au cinéma d’ici un long moment avec Vivarium de Lorcan Finnegan avec notamment Jesse Eisenberg et Imogen Poots. Qui aurait cru que ce film tomberait à point nommé avec la situation de quarantaine globalisée ?

En ces temps de confinement dûs au Coronavirus, rester à la maison se révèle être pour certains un véritable enfer. Lorcan Finnegan, avec son second long-métrage Vivarium , dépeint une science-fiction horrifique où un jeune couple est à la recherche d’un logement dans lequel il ferait bon vivre, mais dont très vite la situation tourne au cauchemar. Il est malheureux que ce film sorte en ces temps de crise, car en temps normal, il aurait été vivement conseillé !

Tom et Gemma sont un jeune couple rien de plus basique voulant s’installer dans un nouveau chez soi. Cependant, une visite on ne peut plus banale se trouve être un piège dont il est difficile de s’échapper ! Tom et Gemma sont donc forcés d’y vivre avec un enfant insupportable qu’il n’est possible de calmer qu’en le nourrissant de corn-flakes !

Papa, maman et le coucou

La figure de l’enfant tient une place assez importante au sein du récit. C’est à partir de sa venue dans un carton que le « jeu » peut commencer. Dans nos sociétés modernes, élever un enfant s’avère par moments d’une difficulté insurmontable. S’il y avait à disposition un livre sur « Comment être des parents parfaits » ou « Comment bien élever son enfant : garanti ou remboursé », cela se saurait ! Dans le film de Lorcan Finnegan, l’enfant est digne d’un coucou : métaphore d’ailleurs présentée dès les premiers plans, nous montrant littéralement un coucou en train d’expulser un oisillon hors du nid, criant pour être nourri et alimenté par la mère oiseau. Tout comme le coucou, l’enfant livré crie pour être sustenté et s’apparente à un parasite ambulant pour le couple qui le considère comme un « creepy little mutant ». À un moment, Gemma dit au petit garçon qu’il est digne d’une énigme qu’elle aimerait résoudre. Le petit garçon est-il donc une sorte d’échappatoire à ce cauchemar ?

Ce genre de scénario n’est bien sûr pas inconnu (pensons notamment à la série Black Mirror ) et Lorcan Finnegan lui-même a déjà traité cette thématique dans son court-métrage intitulé Foxes . Mais il est tout de même intéressant de voir que, de génération en génération, l’angoisse de s’engager que ce soit par le biais du mariage, de l’emménagement ou du fait d’avoir un enfant est toujours ancrée dans nos sociétés modernes qui pourtant essayent de s’émanciper du système de vie de leurs aïeux.

Des images travaillées pour un plaisir assouvi

Quoi qu’il en soit et ce malgré un petit budget pour un scénario ambitieux, l’esthétique présente au sein de Vivarium est magnifique, à commencer par le travail sur les lumières. À l’extérieur de la maison, il y a le juste niveau entre le normal et l’anormal, le glaçant et le chaleureux.

Niveau ambiance, il y a un peu de fumée sans pour autant virer dans le cliché des films d’horreurs abusant du fumigène. Cependant, le film reste assez timide et aurait pu être un peu plus anxiogène, car tout s’y prêtait ! Il y a du talent, sans pour autant que ce soit abouti malheureusement.

D’un point de vue du décor, le village construit principalement numériquement est vraiment réussi. Le surréalisme rappelle d’ailleurs par la bande le style de René Magritte ou bien le village dans Edward and the scissorhands de Tim Burton.

Les symbolismes dans Vivarium

Il y a énormément de symbolique au sein de Vivarium . La maison que visitent Gemma et Tom porte le numéro 9. Le 9 signifie plutôt la fin d’un cycle ainsi qu’un symbole d’accomplissement puisqu’après le 9, il n’y a plus de chiffres mais bien des nombres.

Durant la majorité du film, Tom creuse un trou. Cette activité lui permet de s’échapper de cet enfer. Reprenant la métaphore de l’enfer, il n’y a aucun moyen de s’élever (d’ailleurs, le ciel est d’un ennui mortel avec son soleil artificiel et des nuages en forme de nuages caricaturés). Il ne reste alors plus qu’à creuser et voir ce que les profondeurs réservent.

Autres choses très bizarres laissées libre à interprétation : la nourriture livrée dans des cartons n’a pas de goût, la maison n’a pas d’odeur, les poils (cheveux, barbe) ne semblent pas pousser et l’enfant ne cesse de grandir à une vitesse fulgurante. Comme si l’humain, résumé à Tom et Gemma, cessait d’exister et de vivre au profit de l’alien. Alien qui leur est imposé et qui aspire tout ce qui les relie de manière basique au monde duquel ils proviennent.

Pour rester à la maison, est-ce recommandé ?

Malgré l’avertissement des cinémas indiquant que : « le climat oppressant du film peut heurter la sensibilité du jeune public », ce huis-clos fonctionne purement avec son ambiance sans pour autant être abouti d’un point de vue du ressenti. En effet, à aucun moment la peur ne se fait sentir. Il aurait été préférable de pousser plus loin le sentiment anxiogène pour que Vivarium soit un film vraiment épanoui. Néanmoins, Vivarium est totalement conscient de ce qu’il est et il est dommage qu’il sorte en cette période de crise…

Même rédacteur·ice :

Vivarium

Réalisé par Lorcan Finnegan
Avec Jesse Eisenberg , Imogen Poots , Jonathan Aris
Irlande, Belgique, États-Unis, 2020
98 minutes