critique &
création culturelle
Adeline Dieudonné
une amazone au cœur tendre

L’Iconoclaste frappe un grand coup pour cette rentrée littéraire. La Vraie Vie , premier roman d’Adeline Dieudonné, est une pépite qui mélange l’humour, la poésie, la cruauté et la sensibilité. Un conte moderne qui prend aux tripes.

La Vraie Vie aborde des thématiques brûlantes d’actualité comme la place de la femme dans sa propre famille, le symbole du père ou encore la sexualité d’une jeune adolescente. Le tout avec le regard d’une pré-ado aussi pugnace qu’intelligente.

© AFP / Joël Saget

La narratrice raconte sa vie paisible entre une mère invisible et un père tyrannique. Et puis son frère de six ans qu’elle aime plus que tout : Gilles. Un jour, ils sont témoins d’un accident et dès lors, Gilles se transforme, ressemble de plus en plus à leur père, violent et passionné de chasse. Elle veut tout faire pour retrouver son petit frère et son rire « qui pouvait guérir toutes les blessures » .

On s’enfonce peu à peu dans quelque chose de sombre, de répugnant. Pourtant, grâce aux yeux de cette jeune fille qui ne lâche jamais rien, Adeline Dieudonné ne tombe pas dans une histoire pessimiste ou profondément dramatique. Le lecteur ne prend jamais la narratrice en pitié tant sa force de caractère et sa volonté sont admirables :

J’ai attendu qu’il me touche ; Je savourais cette attente […] Mon poing a heurté sa pommette avec une telle force qu’il s’est étalé sur le chemin de terre. Je me suis jetée sur lui, la bête a poussé un rugissement du plus profond de mes entrailles.

La Vraie Vie est une histoire de transformation, celle du frère d’abord, d’une tendresse touchante au départ deviendra un être dominé par la violence et la cruauté : « Je l’ai trouvé là, assis près de la hyène. Il chuchotait dans ses grandes oreilles. » C’est aussi la transformation d’un conte vers le réel. L’histoire débute dans un pavillon de banlieue, avec une famille complète : « À la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère Gilles […] » C’est le passage à l’âge adulte, le lien entre le conte de fée et la douloureuse réalité, la vraie vie. On suit la narratrice durant toute cette transition. Elle passe de la petite fille naïve qui aime câliner son frère à une véritable guerrière que rien n’arrête. C’est la version féminine de l’Attrape-Cœurs , une version plus brutale, avec une héroïne infiniment plus combative. C’est peut-être l’héroïne la plus sauvage, la plus captivante de cette rentrée littéraire. Une amazone au cœur tendre avec des ambitions féroces.

Adeline Dieudonné traite aussi sans gêne la question du désir, de l’attrait sexuel chez les jeunes filles. Rien de sulfureux, plutôt avec douceur :

J’ai eu envie qu’il me prenne dans ses bras. Quelque chose de chaud s’est dilaté dans mon ventre.

L’auteure est omniprésente sur les plateaux de télévision ou dans les journaux, le lecteur fait la connaissance d’une femme aussi déterminée que sa protagoniste. La Vraie Vie empoigne le lecteur sans le lâcher, la poésie fricote avec le morbide tandis que les leçons de vie côtoient la bassesse des pulsions. On reparlera de la Vraie Vie et, surtout, on reparlera d’Adeline Dieudonné, soyez-en sûr.

Karoo vous propose de relire Amarula , une nouvelle d’Adeline Dieudonné primée par le grand prix de la Nouvelle de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Même rédacteur·ice :

La Vraie Vie

Adeline Dieudonné

L’Iconoclaste, 2018

270 pages