Serge Poliart, pouvez-vous évoquer rapidement votre parcours, nous préciser les liens avec le Daily-Bul qui vous expose et vos intentions au moment de fonder le El Batia moûrt soû ?
Je suis autodidacte. Je fais de la peinture depuis toujours, la littérature me passionne. J’ai travaillé quatre ans dans l’atelier d’Ernest D’Hossche, céramiste-créateur chez Boch à La Louvière. Je me suis installé à Mons en 1973. J’ai fondé avec Jean-Pierre Denefve KOMA. En 1983, J’ai ouvert à Mons le café El Batia moûrt soû : expos, concerts, rencontres littéraires… Je participe en tant qu’artiste aux manifestations du Daily-Bul depuis 1982. Le lien avec le Daily Bul est multiple : le choix du titre El Batia moûrt soû est tiré des éditions du Daily-Bul ; organisation d’une expo Daily-Bul en 1983 à Mons ; et, plus récemment, dépôt des archives du Batia au Centre Daily-Bul & Co. Mes intentions en créant le Batia pourraient se résumer ainsi : « Faire autre chose ».

La revue est née en 1985 alors qu’en France, le rêve de la gauche au pouvoir avait vécu. Comment se situe le Batia politiquement et quelle a été son évolution ?
Le Batia est de gauche mais n’est lié à aucun parti. Il évolue au gré des rencontres — Siné, Vaneigem, Godin…

Dans le choix d’illustrations proposées dans la galerie de Karoo, on peut deviner des influences variées qui font de Masereel à Topor en passant par Ensor et le style Fluide glacial. Comment définiriez-vous la dimension graphique du Batia ?
Il n’y a pas de ligne directrice, excepté l’originalité, la qualité et l’authenticité, l’indépendance, l’esprit libertaire. Il y a bien sûr l’influence des journaux libertaires, à commencer par l’Assiette au beurre , et plus récemment Hara-kiri , Charlie-hebdo , en passant par Dada…

Godin et Vaneigem signent régulièrement des articles dans la revue. Ce sont des grands frères (ou grands-pères) ou les représentants d’une nette influence entre situs et anars ?
Ce sont avant tout des amis.

On note une persistance anticléricale dans le Batia qui est moins vivante en France. Comment l’expliquez-vous ?
En ce qui me concerne, j’ai été enfant de chœur ! La France reste sans doute marquée par la Révolution de 1789 !

On ne va pas vous demander si vous êtes Charlie, mais plutôt quel Charlie vous êtes ? Se faire encarter par le Charlie de Val, qui pour beaucoup a nui à l’esprit Charlie, n’a pas posé de problèmes ? Quid de Siné ?
J’ai été contacté par Charlie en 2005. Cela correspondait exactement aux dix années de publication. J’ai surtout pensé aux collaborateurs de Charlie — Cavanna, Willem, Siné, Oncle Bernard, Tignou, Charb… et évidemment à une reconnaissance de leur part. (Dix ans auparavant, le journal, personne n’y croyait !) Le fait d’être le supplément de Charlie, c’était pas rien ! Nous avons pris sans aucune hésitation la défense de Siné.

Ça ne vous fout pas un peu les jetons d’être l’objet d’une exposition commémorative ? Comment voyez-vous l’avenir du Batia ?
Ce n’est pas vraiment une expo commémorative. Pour les dix ans, nous avions aussi fait une expo reprenant plus ou moins l’ensemble des publications. Je crois que c’est important pour la mémoire que les archives soient en sécurité et qu’elles puissent être exposées dans d’autres lieux. L’avenir ? C’est comme au départ, on ne sait jamais s’il y aura un autre numéro le trimestre suivant… Le prochain Batia sortira pour le dévernissage libertaire en présence de Raoul Vaneigem.


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