Pour cette rentrée littéraire d’hiver, Le Tripode nous propose un premier roman, la Fiction Ouest de Thierry Decottignies. Une bonne surprise, découverte en avant-première grâce à l’opération le Grand’trip.
Le sneak preview débarque en France, et c’est Le Tripode qui ouvre le bal, depuis plusieurs années déjà. Le principe est aussi simple qu’alléchant :
« Deux fois par an, le Tripode publie désormais une édition exclusive limitée à 200 exemplaires d’un roman coup de cœur, qui paraîtra environ six mois plus tard en librairie. Une simple contrepartie de 15 euros pour participer aux frais de port et de fabrication des livres est demandée à chaque lecteur qui recevra ces deux livres en avant-première. Vous pourrez donner votre avis sur les romans avant leur parution officielle, participer à des rencontres spéciales avec les auteurs et l’équipe du Tripode. Les libraires et les journalistes qui souhaitent s’associer à ce projet sont bien sûr les bienvenus. »
Pour résumer : deux livres (janvier et septembre environ) avec la qualité graphique que l’on connaît au Tripode. Après Crépuscules de Joël Casséus dévoré en janvier, c’est Thierry Decottignies avec son livre la Fiction Ouest qui clôture l’édition 2018 du grand’trip . Une œuvre floue, prenant des airs de dystopie.
Avec ce premier roman, Thierry Decottignies raconte une histoire intrigante, dans un monde apocalyptique. On suit un narrateur décadent, dans un décor brumeux qui flirte avec l’irréel. Un lieu étrange : le parc. L’intrigue se déroule dans un parc d’attraction aux allures de prison, de camp de concentration où évoluent des ombres. Une dystopie représentée par une société coupée en deux.
Le protagoniste entreprend un entretien pour devenir policier dans le parc qui se trouve au milieu d’une ville : Ouest. Au départ, l’histoire est plutôt réaliste, les personnages seulement esquissés. Au fil des pages, le narrateur s’alourdit, déchante. Il pensait décrocher un travail, il se retrouve comme emprisonné dans son propre rêve :
Le manger ce soir-là fut maigre […] Il fut plus maigre que la veille alors que la veille on n’avait mangé que du pain dur.
Le récit prend des airs de 1984 de Georges Orwell ou de W ou le Souvenir d’enfance de Perec. On s’enfonce dans un mystère qui s’épaissit. Le passé se fond avec le présent pour un futur incertain placé sous le signe de la violence et de la répression.
Les habitants du parc ressemblent à des zombies, des êtres automatiques, guidés par une autorité mystérieuse. Et c’est toute l’ambiance du livre qui jongle entre film d’horreur et film de Hitchcock.
J’ai parlé des gens un peu transparents et paumés que j’avais vus le premier matin en traversant le parc […] C’était les flous du parc […] ça venait je crois de l’impression qu’ils donnaient pareils à des spectres glissant sur l’opacité du monde.
Le narrateur est résigné, avec une faible envie de révolte. La Fiction Ouest est une histoire dessinée au fusain, ou plutôt esquissée au crayon à papier bien gras, à grands traits. Une langue poétique parfois, orale souvent. La découverte d’un monde nouveau, d’abord séduisant, que Thierry Decottignies noircit pour l’assimiler à un camp de la mort. Seuls les mots restent et encore, pour combien de temps ?