critique &
création culturelle
Librairie Météores
quand le livre se conçoit comme lien social

Une librairie, ce n’est pas que de la vente de livres. C’est en tout cas ce sur quoi comptent deux frères, Renaud-Selim et Timour, qui se lancent le défi d’ouvrir une librairie à l’opposée des grandes chaînes de distribution : au programme, du lien social, de la microédition, des événements engagés.

Renaud-Selim et Timour sont philosophes de formation et sont arrivés dans le monde du livre « à la fois par hasard et par étapes ». Ils ont commencé par travailler ponctuellement avec les Éditeurs Singuliers (anciennement Espace Livres et Création), notamment lors de salons du livre, ce qui leur a permis d’approcher de plus près la littérature belge, parfois trop méconnue, surtout lorsqu’il s’agit de petite édition. C’est lors d’une de ces missions, au cours du FLIB, qu’ils ont découvert le local qui deviendra le leur, aux Marolles, au 207 rue Blaes. Ils sont tous deux amoureux de livres, autant de poésie, d’essais, de philosophie, de bande dessinées, de revues – Renaud-Selim est d’ailleurs impliqué dans la création d’une revue sur les prisons : La Brèche . Le passage à la création d’une librairie se fait donc naturellement, ainsi que l’orientation artistique du projet.

© Saskia Vanderstichele

Avec la volonté de travailler en priorité avec des petites maisons d’édition et des distributeurs indépendants, ils centrent la librairie sur les sciences humaines engagées et sur une littérature contemporaine et inscrite dans les problématiques actuelles. Ils encouragent, à leur niveau, la microédition en proposant des publications qui en sont issues, tout en restant aux aguets par rapport à de nouveaux projets à soutenir. Le plus important : proposer ce qu’ils aiment pour conseiller au mieux, et créer du lien.

Un lieu de rencontre

Le projet ne se définit cependant pas seulement comme une librairie, mais surtout comme « un lieu de rencontre autour du livre » : à la librairie Météores, il ne s’agit pas de se limiter à des relations entre commercial et acheteur·trice, c’est pourquoi le local proposera également quelques tables et des boissons. Il n’est donc pas antinomique de proposer dans le même temps de boire des bières et de discuter de littérature, au contraire : cela s’inscrit pleinement dans leur démarche. Selon Renaud-Selim, « ces dernières années, à Bruxelles, on a vu la fermeture de beaucoup de ces lieux de rencontre, de points de chute ». De son côté, Timour a déjà eu dans l’idée, par le passé, d’ouvrir un bar : Météores est en quelque sorte née de la fusion entre cette envie et celle de partager autour du livre en le dédramatisant un peu.

Si les deux frères ont des projets d’événements, de rencontres tant formelles qu’informelles, il s’agira aussi de s’ouvrir aux propositions du public, et d’accueillir ses idées. Une grande variété d’activités peut ainsi être créées autour de la poésie, de la littérature indépendante, des maisons d’édition indépendantes, de sujets politiques ; il y sera possible de faire des projections de films, des ateliers philo… Voire, dans la limite des limitations actuelles liées au coronavirus, des petits concerts.

Après le COVID, l’innovation

« C’est sûr que c’est effrayant, d’ouvrir une librairie en ce moment », dit Renaud-Selim. « Mais en même temps, si on ne le faisait pas maintenant malgré les circonstances actuelles, on ne savait pas quand se lancer. Autant le faire, et voir comment ça tient. En plus, on n’a pas vraiment d’expérience en librairie en tant que telle. Après, on sait déjà vendre des livres : on a fait beaucoup de salons avec les Éditeurs Singuliers, et on conseille des bouquins depuis des années. » Timour renchérit : « Les gens sont particulièrement enthousiastes par rapport au projet ! Il y a peut-être, justement, un effet post-COVID qui nous impacte positivement. Les gens sont surpris qu’on ose innover et se lancer, que quelque chose ouvre plutôt que fermer. Finalement, c’est plutôt le long terme qui nous dira si la situation va avoir un impact significatif. »

C’est toujours cette idée de façonner un endroit de rencontre qui revient, et qui se présente comme un atout de taille pour contrer la morosité ambiante et d’autres challenges sociétaux, notamment le poids de multinationales comme Amazon. Selon Renaud-Selin, « à l’ère du numérique, où on peut se faire livrer des livres chez soi, il est important de refaire de la littérature une rencontre ». Il est vrai que quand le livre devient facile d’accès de chez soi, ou presque, grâce à (ou à cause) des géants de la vente, les librairies doivent se réinventer et mettre en avant ce qu’elles ont à proposer de différent. On retrouve ainsi un retour à l’amour de « son » ou « sa » libraire de quartier, une importance grandissante des activités qui permettre de redonner au livre sa dimension collective. Dans ce côté social repose, au fond, tout ce que les libraires traditionnels peuvent offrir, et c’est peut-être tout ce dont nous avons besoin en ce moment.

S’inscrire dans la vie culturelle des Marolles

Timour et Renaud-Selim ne veulent par ailleurs pas rester dans leur coin en termes d’événements : la librairie des rencontres, ça passe aussi par l’ancrage dans un quartier à la vie culturelle déjà bien remplie. Ils envisagent également des partenariats avec des associations et des collectifs touchant à leurs sujets de prédilection : les sciences humaines. « On veut aussi s’insérer dans du lien, dans un quartier autonome, pas arriver comme un cheveu dans la soupe », souligne Timour. Les Marolles est donc un quartier de premier choix, puisqu’ils y étaient déjà ancrés d’une certaine manière depuis le FLIB, et qu’ils n’y connaissaient pas de projet équivalent au leur.

Même rédacteur·ice :

La librairie Météores est ouverte au 207 rue Blaes depuis le 19 septembre

Vous pouvez la retrouver sur Facebook et par mail : librairieblaes@gmail.com .

Le FLIB revient également cette année de mi-octobre à mi-décembre, dates encore à préciser…