critique &
création culturelle
Quand la machine dépasse l’humain :
S.A.R.R.A.

Pour son premier roman, David Gruson nous emmène dans la France de 2025, où la technologie a pris une place plus importante encore dans tous les domaines de la vie quotidienne. Des hologrammes et des robots ont envahi la ville lumière, impactant particulièrement le domaine médical, où les machines remplacent parfois le personnel.

Ce roman de 320 pages prend la forme d’un rapport réalisé par une intelligence artificielle pour la direction du renseignement militaire français. À l’intérieur de ce rapport, on suit de nombreux personnages, minute par minute, grâce à la technologie qui les accompagne partout. Les innovations technologiques se sont appropriées chaque recoin de la vie quotidienne et elles savent ainsi suivre chaque personne dans toutes ses actions et déplacements. En imaginant son livre comme un rapport, David Gruson nous guide en coulisse, à travers les hautes sphères françaises. Le président de la République, les autorités militaires, les autorités sanitaires : tous sont acteurs d’un drame qui impactera la ville lumière.

Un décompte est situé au dessus de chaque nouvelle partie du livre. On est alors plongé dans le suspense et dans l’expectative : on sait qu’un événement important va arriver et va bouleverser la capitale française. Jusqu’à la fin, on est plongé dans cette tension.

Le tournant de l’histoire se met en place lorsqu’un cas d’Ebola est découvert en France. Comme dans notre monde réel, le virus Ebola était à l’origine d’une épidémie en Afrique, quelques années plus tôt. Un vaccin avait été trouvé et le virus semblait avoir disparu. C’est en tout cas ce que tout le monde pensait. Mais il va réapparaître et ce en plein centre de la capitale. Le virus se propage rapidement et il contamine toute une zone qui sera alors condamnée.

Les Parisiens vont essayer de comprendre d’où vient cette épidémie. Chacun y va de sa petite théorie, allant de l’arme chimique de nature terroriste à une propagation du virus par l’air depuis l’Afrique. Toutes les possibilités sont évoquées et l’angoisse monte un peu plus pour les autorités à chaque fois qu’un nouveau cas d’Ebola est découvert. Les médias essaient d’informer au mieux les citoyens ; les politiques essaient de trouver la source de cette épidémie parisienne ; les scientifiques jouent leur rôle et tentent de trouver un remède à cette maladie qu’ils croyaient disparue… Le climat est tendu car au même moment le groupe terroriste « Les Fils de l’État Islamique » est bien actif. Il est soupçonné de préparer un gros coup depuis le Moyen-Orient et il est le premier suspect d’une attaque chimique et terroriste envers la France.

L’armée est réquisitionnée par le gouvernement et elle met alors en marche une Machine qu’elle gardait secrète. S.A.R.R.A. est une intelligence artificielle qui va devoir fabriquer un nouveau vaccin pour toutes les personnes coincées dans la zone condamnée. Elle a la faculté de communiquer directement avec les autorités françaises. Lors des conversations avec celles-ci, S.A.R.R.A. apparaît sous forme d’hologramme et emprunte un visage de femme sur l’écran qui sépare les deux interlocuteurs . L’intelligence artificielle affirme aux autorités que le vaccin fonctionnera et qu’ainsi la population de la zone pourra être sauvée. S.A.R.R.A. est-elle honnête avec les autorités ? A-t-elle raison ? La population pourra-t-elle être sauvée à temps ?

Mélusine rappela au Président de la République, au cours de la réunion, que le programme n’était pas à un stade finalisé et que la fonctionnalité de S.A.R.R.A. n’avait été testée, à l’état de prototype, qu’en circuit fermé. Le Président de la République était décrit, dans les carnets Marquet, comme « manifestement préoccupé » par l’information sur un deuxième cas d’Ebola. Il demanda si S.A.R.R.A. était techniquement en capacité de produire un vaccin contre la nouvelle souche d’Ebola. Mélusine rappela que cette fonctionnalité avait effectivement prévue ab initio dans S.A.R.R.A.

Ce roman pose, plus que jamais, la question de l’intelligence artificielle et de ses dérives. Que se passe-t-il quand la machine dépasse l’espèce humaine et que cette dernière ne s’en rend pas compte ? David Gruson nous amène le sujet tout en douceur et permet au lecteur de se plonger au coeur de cette problématique.

Cette fiction est très descriptive, dans le sens positif du terme. Le lecteur peut facilement s’imaginer suivre les différents personnages d’un coin à l’autre de Paris. Le changement constant de point de vue rythme toute l’histoire. Par contre, beaucoup de personnages jouent un rôle important et il était parfois compliqué de se souvenir de qui était qui. Un récit qui prend la forme d’un rapport militaire, ce n’est pas courant ! Le lecteur se sent à la fois privilégié et excité d’accéder à des informations secrètes. S.A.R.R.A. est un polar palpitant pour se déconnecter et passer une agréable soirée.

S.A.R.R.A., une intelligence artificielle
de David Gruson
Beta Publisher, 2018
320 pages

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