Un océan, deux mers,
trois continents
Aux antipodes du bien
21 janvier 2019 par Adrien Corbeel dans Livres | temps de lecture: 3 minutes
Un océan, deux mers, trois continents : il y a dans le titre du roman de Wilfried N’Sondé une promesse d’exotisme, de terres inconnues et de beaux horizons lointains. D’aventures légères et frivoles il n’est cependant pas question ici, mais d’un éprouvant et douloureux voyage traversé par l’esclavage, les guerres de religion et les pires facettes de l’âme humaine.
Dans son dernier livre, l’auteur français nous raconte l’histoire semi-véridique de Nsaku Ne Vunda, un prêtre du sud-ouest de l’Afrique au XVIe siècle missionné par le roi du Kongo pour plaider la cause anti-esclavagiste auprès du pape. La foi sincère et le cœur sur la main, cet ecclésiastique accepte cette tâche avec joie, et une certaine appréhension. Après avoir passé sa vie parmi les siens dans un cadre idyllique, il se voit forcé de faire un long périple vers le Vatican en compagnie des gens qui font des êtres humains leur commerce, et découvre une affreuse réalité dont il n’avait qu’une vague idée.
De la violence et de l’horreur dont son personnage et narrateur témoigne au cours de son périple, l’auteur ne nous épargne aucun détail, dressant un tableau suffisamment éprouvant pour envisager sérieusement l’arrêt de la lecture du livre, ou du moins sont interruption temporaire. Le chemin de croix du prêtre est empreint de sang, de torture et de souffrance. Qu’il soit sur un bateau au milieu de l’Atlantique ou dans une Espagne ravagée par l’inquisition, la cruauté du monde est partout, révélant son horrible visage.
Aussi éprouvant soit le récit, une lumière d’espoir et d’humanité persiste grâce à cet homme du clergé, dont le roman adopte le regard. On pourrait le décrire comme un Candide ce héros qui a (presque) tout du personnage idéalisé. Pétri d’amour pour son prochain, porté par la foi et luttant contre les inégalités, il est à bien des égards un idéal religieux, loin de certaines réalités. Confronté à mille et une horreurs dans son voyage, il voit ses croyances mises à rude épreuve, mais garde une compassion pour ceux qui souffrent comme pour ceux qui font souffrir.
Partagé entre effroi et beauté, la prose très poétique et imagée (jusqu’à l’excès parfois) de N’Sondé fait écho à cette vision de la vie. On le sent, le romancier adhère au point de vue de son personnage, auquel il prête de multiples qualités humaines. Mais à quel point sa perspective rejoint-elle la sienne ? La question, souvent superflue (n’allons pas confondre l’auteur et son protagoniste), mérite d’être posée alors que l’homophobie pointe le bout de son vilain nez parmi les merveilleuses valeurs du personnage.
Cet aspect malheureux mis à part, le roman est porté par une dignité et une empathie qui force le respect. Dans son évocation d’une réalité historique épouvantable, N’Sondé nous laisse voir une humanité corrompue, mais en laquelle il n’a pas complètement perdu espoir. Entre les mots, au milieu de l’horreur, il trouve un peu de beauté et d’espérance.
L'auteurAdrien Corbeel
Après avoir découvert Ingmar Bergman et Stanley Kubrick au tendre âge de 15 ans, je me suis laissé dévorer par le septième art, au point même d'y avoir consacré une…Adrien Corbeel a rédigé 38 articles sur Karoo.
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