critique &
création culturelle
Une petite Belge en Australie de Coraline Buchet
Une quête de soi à l’autre bout du monde

« Tu me rejoins en Australie ? » Voici la proposition authentique et surprenante que Coraline Buchet fait à ses lecteurs dès les premières pages de son tout premier livre, Une petite Belge en Australie . Loin du confort des sociétés européennes, un voyage intérieur sur un autre continent aussi dangereux qu’attachant attend ceux qui s’aventurent au-delà de la couverture.

Lorsqu’elle atterrit à l’aéroport de Sydney le 9 Octobre 2013, Coraline Buchet ne se doute pas encore de l’incroyable aventure qu’elle va vivre sur cet autre continent, à près de 15 000 kilomètres de son petit village natal au fin fond de la Belgique. Encore en deuil après la mort accidentelle de son frère qui a bouleversé sa famille, la jeune femme de 25 ans va décider, quelques années plus tard, de mettre sur papier une réelle quête de sens à travers la publication son voyage. Le lecteur est alors entraîné dans une aventure allant de la célèbre ville de Sydney jusqu’aux terres désertiques de l’Outback australien en passant par les terres aborigènes de Norlangie ou de Arnhem Land. En mettant par écrit son périple durant lequel elle s’adonne au parapente, à la plongée, à la randonnée ou encore à l’escalade, Coraline Buchet cherche à transmettre un savoir intérieur, une quête de soi que chacun a le pouvoir d’entreprendre et d’expérimenter. Pour elle, cette quête initiatique ne pouvait se réaliser ailleurs qu’en Australie où elle a flirté pour la première fois de sa vie avec un concept aussi effrayant qu’attirant : l’inconnu. Poussée à combattre ses craintes et à dépasser ses limites, l’auteure transcrit dans son ouvrage aux allures de journal intime les étapes complexes mais indispensables d’une vie qu’elle estime vécue à mille à l’heure.

C’est ainsi qu’après une demi-journée à Young dans le monde des backpackers, je pars en direction de Kosciuszko National Park […] [u]n lieu de montagnes, de collines, de lacs et de hauts plateaux propices à la randonnée, la pêche, la détente, la découverte […]. Ce n’est que le premier pas d’une longue phase d’écoute de moi-même et de mes émotions. Les signes sont à l’intérieur de moi, il suffit que j’apprenne à les écouter.

Née à Mogimont, en Ardenne belge, Coraline Buchet n’est pas une auteure expérimentée. Puéricultrice de profession, Une petite Belge en Australie est son tout premier ouvrage qu’elle rédige comme le compte rendu d’un voyage de 2 ans réalisé à l’étranger. Aujourd’hui âgée de 34 ans et ayant l’expérience de villes très animées telles que Bruxelles ou Sydney, l’auteure se veut créatrice d’un moyen de transmettre un mode de vie s’éloignant des sociétés capitalistes européennes et se rapprochant de la nature et d’un style de vie plus simple. Passionnée par la vie menée par les tribus aborigènes australiennes et par des pratiques telles que la méditation, elle a décidé de s’installer en Nouvelle-Zélande et de ne pas revenir vivre en Belgique après son périple. C’est depuis ce point d’ancrage qu’elle a pris la décision de partager son aventure pour inspirer d’autres esprits en quête de sens. Elle trouve son inspiration dans un journal qu’elle a écrit durant son aventure et qu’elle a amélioré pour qu’il devienne un livre digne de ce nom. L’authenticité d’intention dans l’écriture qui en découle est sans aucun doute la caractéristique la plus touchante de cet ouvrage. Agrémenté de photos prises par la protagoniste et auteure ainsi que par des propositions musicales ayant rythmé le voyage de celle-ci, Une petite Belge en Australie se veut une œuvre entière, autant visuelle qu’auditive. Cherchant la sincérité et la simplicité jusqu’au bout, c’est d’ailleurs avec une petite maison d’édition belge de Tournai, Chloé des Lys , que Coraline Buchet a collaboré pour publier ce premier livre en janvier 2021. Cette aventure australienne se révèle donc empreinte d’une certaine belgitude.

Me voilà dans cette tornade de sentiments et sensations, pleine de nervosité et d’excitation. Vivre entre deux mondes. Le sacrifice de l’un oblige à profiter mille fois plus de l’autre. Alors c’est reparti pour une vie mille fois profitée, vécue, ressentie. Et pourtant…

Ce n’est pas un roman que Coraline propose aux lecteurs. Ses personnages, elle y compris, sont tous bel et bien réels. Les aventures vécues sont véridiques tout comme les émotions, les sensations, les craintes, les blessures et les doutes que l’auteure a expérimentés. C’est dans ce fait que le charme de cette écriture sans filtre se cache. Néanmoins, le lecteur n’étant pas mis face à une fiction, le style n’est que très peu romancé et, par conséquent, l’ouvrage prend souvent des allures de documentaires qui peuvent déranger. Parfois utiles en ce qui concerne la découverte d’un pays tel que l’Australie aux espèces (kangourous, crocodiles, serpents, araignées, lézards, oiseaux, wallabys…) et aux paysages (montagnes, déserts, jungle…) variés, les détails mis en avant rendent parfois la lecture assez froide. Le lecteur doit donc s’habituer à osciller entre moments romantiques et découvertes scientifiques et y trouver son propre équilibre.

C’est agréable de s’éloigner de la civilisation et de se retrouver dans le calme de la nature.

En ouvrant son cœur et son esprit à son lecteur, c’est avec un regard relativement critique et une volonté de faire connaître que Coraline Buchet fait part de sa découverte des cultures aborigènes qui sont malheureusement mourantes en Australie. C’est sans aucun doute les passages de son livre à travers lesquels elle se révèle le plus attendrissante. La froideur de certains passages très documentaristes est alors mise au second plan pour faire place à une défense de ces tribus qui tentent de survivre dans un monde de plus en plus capitaliste et matérialiste. Ces passages sont des joyaux aux yeux d’un lecteur attentif et amène des tournures qui prennent le lecteur à la gorge et au cœur.

Je comprends pourquoi ces lieux sont précieux pour les aborigènes. Une fois le silence installé, l’impression de géants de roche penchés, veillant sur nous, m’imprègne. Je me sens petite face à la nature.

Notamment les histoires d’amour et les peines de cœur de notre héroïne-auteure qui ont un rôle de toile de fond romantique tout au long du voyage. En effet, le périple de Coraline commence par une rencontre amoureuse à distance avec un Australien et représente le facteur principal du commencement de son périple. C’est en apprenant à vivre pour elle sans ne plus vouloir dépendre des bras de quelqu’un d’autre que l’auteure prend conscience de l’ampleur personnelle du voyage qu’elle est en train d’entreprendre. Ce sont ces passages intimes où elle nous fait part de ses prises de consciences amoureuses et donc intérieures que la plume de Coraline est la plus légère. Ces petits moments où la prose semble parfois fictive bien que tout à fait authentique sont les étapes d’un chemin qui se révèle peu à peu être une initiation à l’écoute d’un moi intérieur mis de côté face aux tentations superflues et matérielles du XXI e siècle.

Je suis émue. Uluru, c’est le Grand Final. C’est mon ultime rêve de voyage en Australie qui se concrétise. Défilent toutes les étapes qui m’ont conduite ici. Mes craintes, mes doutes dépassés, mes espoirs, les signes, mes idéaux. Je comprends que peu importe le regard, peu importe où me guidera la vie, j’ai la capacité de réaliser mes rêves. Uluru c’est ma liberté, la preuve que quoi qu’il arrive, je sais aller de l’avant.

En cette période estivale où l’envie de voyager est fortement présente, ce livre est un réel appel à la découverte de l’inconnu. Ce voyage, Coraline Buchet le présente comme une aventure vers la compréhension de soi tout autant que comme l’exploration d’un nouvel environnement. Les photos et les musiques qui parsèment l’ouvrage en sont de parfaits témoins : un voyage, ce sont des souvenirs dans la tête de ceux qui les ont vécus. Une petite Belge en Australie a été écrit comme pour démontrer à ses lecteurs que, quelle que soit la destination, le voyage est une initiation, une évolution dans la manière dont on perçoit les choses. Il faut seulement prendre conscience de cela en sachant s’écouter soi et ses envies. Tels sont l’expérience et le message de Coraline Buchet !

Une petite Belge en Australie

Coraline Buchet

Éditions Chloé des Lys, janvier 2021

307 pages