critique &
création culturelle
NUITS DU BOTANIQUE :
New Wave & Avant-Gardisme

Du 25 avril au 12 mai, le Botanique accueillait l’ édition  2023 de ses Nuits . Une édition de la versatilité et de l'accueil de l'inconnu, avec des artistes moins populaires laissant donc plus de place aux découvertes.

Avec à l'affiche B.B. JACQUES, LESRAM, NES et EESAH YASUKE, le Botanique offre sa dose rap à son public en invitant plusieurs figures de proue de la New Wave du rap français.

NES

19h30 et 35 degrés ressentis sous le chapiteau quand NeS entre en scène sous les applaudissements et les cris d’un public massé en fosse, prêt à s’en prendre plein les oreilles. Avec une attitude dynamique et une présence sur scène bien assumée, NeS s’empare du micro pour un show d’une cinquantaine de minutes. Le rappeur, familier des scènes de festivals, affirme ses talents de MC et sa maîtrise de la relation avec le public, en jouant ses sons les plus connus. Cependant, l'énergie du public oscille en fonction de sa connaissance des paroles, ce qui vient légèrement freiner une si bonne entente avec la foule bruxelloise et NeS. La particularité de sa musique, c’est sa volonté de remettre l’art et la créativité au cœur de ses productions chatoyantes.

Le rappeur pose sur des sonorités pop 80’s avec des synthétiseurs et des atmosphères planantes, soulignées par des percussions et des basses entrainantes. Ce qui est certain, c’est que le rappeur propose une vraie performance de MC, agrémentée d'une présence dynamique et ouverte qui a sans aucun doute su plaire et intriguer le public. NeS fait un premier pas assuré dans sa conquête belge. Mission accomplie donc pour le rappeur de Paris-Sud.

B.B. JACQUES

En troisième  partie, B.B.JACQUES arrive avec une mise en scène et un storytelling réussi. B.B. Jacques joue dans sa propre pièce de théâtre avec l'aisance d'un artiste confirmé.

On ressent bien le travail fourni pour enrichir sa performance, surtout à travers son choix de rester fidèle à l'aspect cinématographique de ses projets musicaux. Le rappeur français s’approprie la scène avec un décor sommaire mais efficace. Un fauteuil de salon, une table sur laquelle repose un service luxueux de verre et de bouteilles de whisky, une lampe à la lumière chaude et un piano acoustique. Ces quelques éléments rappellent aisément l’ambiance tamisée, mais dure, de la musique de B.B. Jacques. Une direction qu'il sera le seul à prendre dans cette journée rap des Nuits du Botanique.

B.B. Jacques vient confirmer son engagement dans la représentation scénique de sa musique et est récompensé par un public en ébullition. Un accueil révélateur de son audience en pleine explosion.

Une tout autre ambiance nous attendait ce 7 mai, où la rotonde s'emplit d’airs avant-gardistes et dénonciateurs avec Neptunian Maximalism et Imperial Triumphant. Deux groupes qui nous font sortir de notre zone de confort et dont les performances et la musicalité mixent d’une part le Free Jazz/Drone/Metal/Doom

NEPTUNIAN MAXIMALISM

Dans l’atmosphère intime de la Rotonde, un chant sourd et guttural émane de la scène. Porté par des sonorités Doom, Drone Metal et Free Jazz, Neptunian Maximalism est représenté sur scène par Sattar Khan (tablas indien) Guillaume Cazalet (guitare) et Jean Jacques Duerinckx (saxophone baryton), une sélection parmis les nombreux musiciens qui composent le groupe. De cette scène transparaît une énergie planante mais obscure, voire oppressante. Un orchestre profond et vibrant dont les percussions et les mélodies au saxophone baryton transpercent le cœur d’une puissance aiguë. Difficile de ne pas s’imaginer tomber dans l'abysse infernal hindou, accompagné par les trompettes de la mort, rencontrant dans notre chute monstres et dieux déchus. Une atmosphère bien différente où la musique, la fiction et la création de sons nouveaux est mise au profit de l’imagination.

IMPERIAL TRIUMPHANT

Après l’ambiance relativement calme insufflée par Neptunian Maximalism, Imperial Triumphant débarque en grande pompe sur fond de voix-off intrigante, introduisant par un ton quasi divinatoire le déroulement de la soirée par chapitres. C’est alors qu’apparaissent les trois musiciens qui composent Imperial Triumphant, masqués et encapuchonnés. Leur accoutrement saisis les spectateurs novices et un ange passe tandis que les musiciens prennent place sur scène.

Le groupe se met alors aussitôt à jouer de manière frénétique des accords de black metal dissonant et chaotique au grand plaisir de la salle qui, encore intimidée par la mise en scène du groupe, s’extirpe aussitôt de la torpeur. Le trio inquiétant se lance dans une performance qui relève des sports extrêmes, transmettant leur énergie bien particulière au public. Imperial Triumphant a la particularité, malgré la concentration nécessaire à la réalisation de leur prestation, de venir chercher l’attention des spectateurs et d’entrer en relation avec eux. Après une trentaine de minutes de Black Jazz à fond dans les hauts parleur et un public captivé, le guitariste et le bassiste du groupe s’éclipsent rapidement en coulisse pour revenir sur scène, champagne à la main. Soudaine euphorie de la salle : les musiciens secouent leurs bouteilles et font tomber une pluie de mousse sur une salle rafraîchie, satisfaite et hilare. Le show se poursuit un peu plus en douceur avec des sons comme « Metrovertigo », plus Jazz que Black Metal et plus accessibles, portés par des accords moins effrénés. Surprise finale, le saxophoniste de Neptunian Maximalism s’ajoute à la scène sous les applaudissements de la salle pour le dernier morceau « In the pleasure of Their Company » .

Ces deux scènes, malgré leurs différences, s'unissent dans leurs projets avant-gardistes et dans le message qu’ils transmettent. Neptunian Maximalism cherche à nous donner un sentiment d’acceptation, voire d’expérimenter ou de représenter l’anthropocène en musique. Quant à Imperial Triumphant, le propos dénonce la lutte des classes, l'opulence et l’extravagance occidentale. Une soirée très enrichissante où, au final, l’ambiance bon-enfant permet de se sentir à l'aise dans une programmation qui, au premier abord, ne s’adresse pas à tout le monde. L’ouverture d’esprit et la curiosité permettront aux spectateurs de s’approprier pleinement ces styles musicaux si originaux.

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