critique &
création culturelle
Typh Barrow au festival La Cerise du gâteau

Du 29 janvier au 7 février, le festival La Cerise du gâteau, au Centre culturel d’Uccle, est tout entier dévolu aux promesses du café-théâtre et de la jeune scène musicale. Parmi celles-ci, Typh Barrow … qui a quelque chose en elle… d’Adele ?

Uccle et son CCU, son intense animation. Cinéma, théâtre, soirées littéraires ou philosophiques, musique. Uccle la bourgeoise mais aussi le nid douillet, champêtre et convivial, d’innombrables créateurs.

(Photos : Jean-Michel Clajot Photography)

Le 31, la chanson française était à l’honneur, avec Bésac Arthur, Philine ou Manon Ache (déjà repérée par Karoo ). Mais ce mardi 3 février, on nous annonce de la chanson anglaise, « entre pop/soul et accents jazz ». Typh Barrow. Une enfant du pays. Qui a fait ses premiers pas (de danse) sur la scène du CCU, quand elle était encore élève de l’académie locale. Qui avait, encore très jeune, commencé sa carrière dans une petite salle annexe. Qui revient, cette fois, dans la grande. Qui est pleine. Complètement. À tel point que nous devrons batailler ferme pour racheter deux places.

Il y a de l’émotion dans l’air, entre retrouvailles et fierté. Les bruits courent. Coolio, le rappeur américain, a retweeté Typh et elle a été écoutée des millions de fois sur Youtube. Elle vient de sortir un double CD (reprises et compos persos), Time , qui aurait été réalisé entre Londres, New York et Paris. Avec des collaborateurs de Pink, Beyoncé, Gossip ou… Adele.

Les projos s’allument. Derrière son piano, Typh apparaît dans une tenue de soirée glamour, mais la silhouette est fluette, la fragilité et la sensualité s’entrechoquent. Un band de garçons la seconde, une armature rock solide. Mais la vraie surprise (pour moi qui la découvre) est ailleurs : la voix ! Car nous n’avons pas affaire à une émule de Françoise Hardy ou Carla Bruni. Non, la voix est puissante, grave, écorchée, tonique. Si mes yeux étaient fermés, je verrais une black singer.

(Photos : Jean-Michel Clajot Photography)

Et le concert qui va suivre ne sera pas un concert de chanson anglaise, comme annoncé, mais un concert de chanson américaine. Ô nuance ! Car la jeune femme, nourrie d’une solide tradition soul/rock/blues sixties/début seventies, en interview, cite Stevie Wonder, Bill Withers, Bobby Mc Ferrin… ou Eric Clapton, le plus américain des musiciens anglais. Ce qui se reflète aussi dans les beaux solos (guitare, claviers). Avec, en contrepoint, des accents plus pop, rap ou house. Bref, le spectre est large, entre atemporalité et modernité, mais l’ensemble demeure cohérent, compact, intense, de par la grâce d’une voix forte, au caractère très affirmé, alliant étrangement profondeur et fraîcheur. Un cocktail envoûtant qui aura plus d’une fois appelé des réminiscences ciné, ces bars glauques, enfumés du Sud ricain où il y a toujours une diva, noire ou blanche, pour chanter avec toutes ses tripes entre deux dialogues salés ou poivrés.

Typh Barrow . Si jeune. Vingt-cinq ans ? Mais une vraie personnalité . Qui en a bavé, du temps où sa voix singulière obligeait son professeur de solfège à l’aligner parmi les garçons. Du temps où le corps médical la prenait pour une immense fumeuse. Du temps où même son père, au téléphone, la confondait avec son frère. Typh Barrow . Si jeune mais qui a toujours su ce qu’elle voulait, depuis ses débuts au piano à cinq ans. Typh Barrow . Que plus personne, aujourd’hui, ne prendra pour un garçon. Qui démontre déjà un sacré tempérament, ancrée devant son piano ou dansant au milieu de son band , dialoguant avec son public, parvenant à faire chanter en chœur une salle composite (entre public jeune d’aficionados et curieux de quarante à soixante-dix ans).

Apparemment très bien remise d’une opération aux cordes vocales qui lui interdit désormais la pratique du saxophone, débarrassée des études (droit et conservatoire !) et du no life qui lui a permis de combiner trois vies, la voilà face à son destin, avec sa sensibilité à fleur de peau mais aussi une assise intellectuelle, un cadre, une volonté.
Elle peut aller loin.

Le groupe : Typh Barrow au piano et au chant, Guillaume Vierset à la guitare, Fabio Zamagni à la batterie, Félix Zurstrassen à la basse, David Thomaere aux claviers.

Parmi les 13 vidéos de Typh disponibles sur Youtube, nous conseillons :
– sa reprise de Coolio, qui aura été un moment fort de la soirée uccloise : [youtube id= »qFMZPBERweQ »]
– sa reprise du mythique Hotel California , des Eagles : [youtube id= »J48PzOJN0iE »]
– une de ses premières compositions, avec laquelle elle a conclu son concert : [youtube id= »l-Nu2hGMoVo »]
Et pour le reste, rendez-vous sur son site .

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