critique &
création culturelle
Avignon 2019
Betún, Prix Tournesol « Réalité au-delà des frontières » rencontre avec Vene Vieitez

Terre de divertissement où fleurissent les spectacles de stand-up, le festival d’Avignon n’en demeure pas moins un espace d’engagement. Retour sur des spectacles s’attaquant aux conditions de vie des enfants de rue, à l’abandon du milieu rural par l’État et aux engagements citoyens pour bâtir un nouveau modèle de société.

Baptisé cette année « Le festival aux mille visages », le festival OFF d’Avignon ne cesse d’offrir une programmation vertigineuse, où tout type de théâtre, toute conception de l’art, toute catégorie de spectacle vivant se retrouvent, concentrant dans un territoire fini une vitalité culturelle infinie. Pour proposer un autre regard sur cet événement et démasquer quelques uns de ses visages, il existe notamment un jury citoyen composé de passionnés de théâtre : le jury Tournesol.

Présidé par Jean-Luc Fauche, lui-même épaulé par Virginie Carletti, cette association se développe depuis plusieurs années comme la fleur éponyme, se donnant pour mission de récompenser et de mettre en lumière des spectacles caractérisés par l’engagement écologique, social, politique et, surtout, humaniste. Coup de projecteur sur trois lauréats de l’édition 2019 : É chos Ruraux , Betún et Nous étions debout et nous ne le savions pas .

Betún (Prix « Réalité au-delà des frontières »)

Comment est née l’idée de ce spectacle ?

Vene Vieitez (comédien & auteur) : Betún est une nécessité, je suis né à Caracas au Venezuela, un pays où la réalité des enfants des rues est très présente et où la plupart des gens ont appris à être « immunisés » contre cette réalité. Quand je suis devenu adulte, j’ai compris que c’était à la fois un mécanisme de défense et une réaction naturelle à l’impuissance que génère un problème comme celui-là. Cela nous a fait ressentir le besoin de mettre en lumière ce problème et d’offrir au public une vision plus intime et moins anonyme de la situation de ces enfants.

Pourquoi la compagnie Teatro Strappato favorise-t-elle l’usage de masques pour les acteurs ? Dans Betún en particulier, s’agit-il d’un souci d’universalité ? D’une volonté métaphorique de rendre visible l’invisibilité/le masque que la société plaque sur enfants de rue ?

Le masque est un objet merveilleux car il parvient à couvrir le visage de l’acteur tout en déshabillant le reste du corps. Le masque est un amplificateur qui, bien utilisé, peut créer cette fiction extrême qui peut nous faire penser à la réalité.

Notre relation avec le masque en tant qu’acteurs est très intime, c’est le visage que nous utilisons pour dire les choses les plus importantes, c’est le moyen de nous catapulter chez les personnages que nous représentons et c’est avant tout un objet tellement artificiel qu’il a la force de dire de grandes vérités Le grand professeur Etienne Decroux a dit quelque chose de très important sur la relation entre l’homme et l’art : «Quand on voit une belle fleur, on dit  : elle est si belle qu’elle semble artificielle ; et quand on voit une fleur artificielle très bien faite on dit : elle est tellement belle qu’elle semble réelle. » Je pense que cette image recueille très bien ce que nous ressentons pour le masque.

© Cesar Desviat et Cesar Cano

Qu’est-ce que la poésie au théâtre selon vous ?

La poésie est la sublimation de la vie, à la fois sa partie lumineuse et sa partie sombre. Il nous est difficile de penser à un théâtre qui touche le cœur du public sans poésie. Nous avons une grande foi en la beauté car elle peut nous dire le bien et le mal et lorsque la beauté est mise au service de l’éthique, naissent, pour nous, la poésie,  l’art, la communication entre les êtres humains.

Comment se présente la tournée du spectacle ?

Betún a sa propre vie, c’est un spectacle qui fait des amis et ne crée pas seulement des liens entre des gens qui veulent en savoir plus et en faire plus pour les enfants que nous représentons dans la pièce. Ces dernières années, ce spectacle a parcouru la France, l’Espagne, la Suisse, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, le Chili, la Bolivie et se rendra bientôt au Paraguay, au Mexique et en Argentine. Il est difficile pour nous de penser à une tournée lorsque nous parlons de Betún ,  c’est plutôt un voyage de la vie, le voyage que Betún lui-même fait pour raconter son histoire intime et universelle à d’autres cœurs, à d’autres êtres humains à travers le monde. Ce voyage continue et ne s’arrête jamais !

Même rédacteur·ice :

Betún

Cie Teatro Strappato

Coréalisation : Théâtre des Barriques

Auteur et metteur en scène : Vene Vieitez

Interprète(s): Cecilia Scrittore, Vene Vieitez

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