critique &
création culturelle
Entretien avec
Bobi+Bobi

Bobi+Bobi illustre de la poésie et des histoires pour petits et grands. Albums jeunesse, romans illustrés, couvertures, dessins de presse… Elle a déjà une vingtaine de livres à son actif. Elle a accepté de partager avec nous ses travaux et de répondre à nos questions concernant les livres illustrés.

 

La première chose qui me frappe dans les illustrations que tu as choisies, c’est la manière dont les couleurs dominantes diffèrent. Peux-tu nous expliquer la façon dont tu détermines l’univers chromatique d’un projet ?

Une illustration perd de son sens quand elle est sortie de son contexte. Le livre illustré est un tout, qui dans un premier temps se perçoit plus qu’il ne se voit. C’est la même chose pour la réalisation d’un livre illustré : le choix des couleurs se fait progressivement.

Pour Une fleur , je voulais rendre ce qu’une fleur (métaphore ici des émotions) peut inspirer de beauté et de menace, de douceur et d’inquiétude. Je voulais des couleurs entre le vif et le sourd, et un rendu de matière entre le velours et le grenu. J’ai su très vite que ce serait de l’aquarelle, parce que le végétal se nourrit d’eau. J’ai choisi le fuchsia des grandes fleurs pour qu’elles palpitent de vie, et un vert blanchi parce qu’on peut être blanc et vert de peur.

Pour Ma sœur et moi , je voulais du pictural qui devienne peu à peu graphique, puisqu’il s’agissait de planter un décor d’enfance sur plusieurs années. Rien n’est « réfléchi » couleur par couleur, l’ensemble se compose en bloc. Par exemple, la chaussure sur la tête de la grande sœur au début du livre, elle est devenue Terre de Sienne parce que cette couleur équilibrait les autres. La précision de la matière de la chaussure ne figurait pas dans le texte initial, Cécile a rajouté le mot « daim » après avoir vu l’illustration, et je trouve ça épatant.

Tes images ont souvent une portée métaphorique très forte (le reflet, la fille prise dans une fleur, la maison de papier…) Comment travailles-tu les doubles sens de tes illustrations ? Est-ce en collaboration avec l’éditeur et l’auteur ? Ou fais-tu tes propres propositions ?

J’ai gardé une curiosité et un imaginaire d’enfant. Je pense que mes doubles sens naissent du va-et-vient incessant entre mots et images, entre ce qui se montre et ce qui se cache. J’aime bien que ce qui se montre ait « l’élégance » (je ne sais pas si c’est le bon mot) de se laisser désirer, de se laisser penser. Par exemple cette histoire de « maison de papier » qui illustrait les vers suivants de Pierre Albert-Birot :

Je ne me voyais pas dessiner un palais, un château, m’écraser au pied de la lettre d’une tourelle… non… il fallait que je montre ce qu’un imaginaire peut construire, montrer où l’art de la pensée poétique peut mener. Dessiner peut être une activité aussi intellectuelle et philosophique que lire Deleuze.

Je me suis amusée avec les mots de Pierre Albert-Birot. J’ai déniché dans mes tiroirs des feuilles à gros carreaux avec des marges rouges, en quelques minutes j’ai construit une maison avec une aile, un toit, des escaliers en accordéon, j’ai fait tenir avec du scotch, j’ai posé ma construction devant moi et je l’ai dessinée. Quand elle a été dessinée, je l’ai roulée en boule et je l’ai jetée.

Je n’ai pas eu l’occasion de travailler ce processus avec une tierce personne, ni auteur, ni éditeur. Ou peut-être de loin en loin, quand il faut modifier une illustration. J’illustre peu sur commande, donc le plus souvent je travaille sans indications. Toutes les propositions de départ sont personnelles et sont contenues dans mes chemins de fer. Chacun d’eux est réalisé dans un moment de concentration intense. Mes dessins de chemin de fer (j’avais écrit « faire ») sont des esquisses sommaires, dont la rapidité d’exécution laisse le champ libre au surgissement.

La taxonomie sélectionnée pose problème. Réessayez ou choissez-en une autre.

As-tu des sources d’inspiration particulières, des références artistiques qui t’ont influencée ?

J’ai été marquée à douze ans par la découverte de Paul Gauguin. Aujourd’hui je suis émerveillée par le dessin contemporain. J’aime les chercheurs, les inventeurs, les non-étiquetables, les libres. Je les découvre sur Internet, ils viennent du monde entier, c’est fabuleux.

Mes sources d’inspiration les plus riches, ce sont les poètes et les écrivains, en particulier Marcel Proust, dont la moindre phrase me fait venir quantité d’images.

Même rédacteur·ice :

Une fleur

Depuis que Papa est parti, la fleur a surgi. Elle pousse à l’intérieur de moi. Elle s’agite quand j’essaye de dormir, ses pétales rougissent quand on me regarde et son pollen m’étouffe quand j’essaye de parler. J’aimerais tant me faire des amis, mais comment faire avec cette fleur qui envahit tout ?
Un album tendre sur le trop-plein d’émotions, porté par des illustrations somptueuses.

Sandrine Kao / Bobi+Bobi
Edité par A Pas de Loups, 2018.

Ma soeur et moi

Liette et Lorna sont soeurs. Pas facile de s’aimer quand on est soeurs. Lorna jubile lorsque Liette tâche un drap de maman. C’est sûr, elle va être punie… Et Liette à son tour prend un malin plaisir à abîmer le poster du chanteur préféré de Lorna. Mais face à l’adversité, à la férocité des autres écoliers ou la colère des parents, les soeurs sont solidaires, oubliant leurs différends. Un beau portrait de fratrie, à la fois cruel et tendre, comme la vie !

Cécile Roumiguière / Bobi+Bobi
Edité par La joie de lire, 2012.

Petites gouttes de poésie
avec quelques poèmes sans gouttes

D’où tombe-t-elle la poésie
Peut-être bien de mes yeux
Ce serait une larme de joie
Qui viendrait vivre
Sur mon papier

Les textes rassemblés dans ce recueil aussi beau qu’atypique sont à lire et à voir comme autant de « gouttes de poésie », de concentrés d’émotion savamment distillés dans l’alambic du poète.

Pierre Albert-Birot / Bobi+Bobi
Edité par les éditions Motus, 2017.

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