critique &
création culturelle

The Ballad of Sexual Dependency de Nan Goldin

Fond d’écran (20)

Fond d’écran, c’est une image, une peinture, une photo… En quelques lignes, pourquoi et comment elle a laissé une empreinte indélébile sur votre rétine ! La plateforme f/75 , regroupant des photographes s'identifiant comme femmes, non-binaires ou non-cisgenres, se prête au jeu et se penche sur le travail de concitoyen·nes.

En entrant en école de photographie, je nourrissais le secret espoir d’y trouver, si ce n’est une reconnaissance, du moins une validation dans mon droit de faire de la photographie.  À cette même période, j’étais dans une relation abusive où je subissais des violences.

À l’école, je transposais un état d’esprit où j'acceptais de soumettre - sans me poser trop de questions - une production d’images qui devait convenir aux enseignants de l’atelier. Je me comparais souvent à mes camarades cis-masculins. Les week-ends, je quittais Bruxelles rejoindre mon ex-compagnon, pour qui je m’adaptais et consacrais le peu de temps libre que j’avais. Peu à peu, je me retrouvais dans une sorte d’entonnoir où mon champ visuel se réduisait.

La fin de l’année scolaire fût un moment décisif. Ma séparation, non sans fracas, coïncida avec la remise des travaux de fin d’année. J’avais l’impression que mes yeux avaient été lavés de tout ce qui avait voilé ma réalité. Une colère sourde m’habitait. Je n’étais pas à même de la comprendre. C’était une rage née d’un sentiment d’injustice. Je m’étais retrouvée seule face à un problème que certains camarades ne connaîtraient sûrement jamais.

À la rentrée de la nouvelle année scolaire, je n’arrivais plus à faire de photo. Je voulais m’émanciper de ce que l’on m’avait donné à voir et qui mentait sur la façon de percevoir le monde autour de moi. Mes yeux neufs, bien que vieillis, je consommais boulimiquement des images. Je cherchais en chacune d’elles ce dont j’avais besoin.

Je suis tombée sur cet autoportrait de Nan Goldin. La douceur chaude de la lumière, le regard perçant de la photographe, le geste nonchalant de l’homme qui pose à côté me renvoyaient à des scènes connues.

Elle disait, « je savais, depuis mon plus jeune âge, que ce que je voyais à la tv n’avait rien à voir avec la vraie vie. Capturer “la vraie vie”, chaque aspect de ma vie, était un besoin psychologique. L’appareil photo était devenu une fonction partielle de ma mémoire ».1 J’ai aimé sa manière de s’approprier son récit.

Cette image m’a apporté beaucoup de paix. À la fois dans mon histoire personnelle, mais également dans ma façon d’envisager ma pratique artistique, sans plus rendre de comptes à quiconque.

Anissa Cherif

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