critique &
création culturelle

À la folie de Coline Blf

L’artiste namuroise s’affirme, le nez au vent

L’artiste namuroise Coline Blf dévoile son deuxième EP, À la folie. Un projet de six titres, imprégné de son engagement pour la justice sociale et environnementale, enrobé d’une douceur mélancolique d’indie pop et de mélodies lo-fi. L’artiste belge nous a partagé ses impressions et les coulisses de son univers.

À la folie s’ouvre sur une citation de Barbara1 : « Je crois qu’il faut pouvoir et savoir refaire sa vie à chaque matin. C’est très important. Il faut savoir aussi refaire l’amour à chaque matin. Je veux dire par là que je pense que tout est amour, ma religion c’est l’amour. »

« "Ma religion c’est l’amour", c’est vraiment quelque chose que j’aurais pu dire, étant quelqu’un d’un peu utopiste. J’ai adoré cette phrase, et je trouve que l’amour c’est tellement quelque chose qui peut nous sauver, qui est commun à chaque personne sur terre, comme la nature. Je trouvais ça cool de faire un lien entre l’amour et l’environnement. » ‒ Coline Blf

Une déclaration qui sonne comme le fil rouge des six titres de ce nouvel EP. Dans le morceau d’ouverture éponyme à l’album, les instruments flottants laissent progressivement place à un rythme plus entraînant, à mesure que l’artiste se laisse emporter par l’amour, ce même amour qui, au départ, lui inspirait tant de craintes. Mais comment chanter l’amour dans ce monde en feu, en guerre, en angoisse ? Coline Blf y répond par un jeu de contrastes, où ses paroles graves sont enrobées de mélodies lo-fi douces et dreamy. Ce projet constitue une déclaration d’amour, mais aussi l’expression des craintes de l’artiste face à ce monde et à l’ambiance négative dans laquelle nous vivons.

« Courons un peu beaucoup

Un peu trop pas du tout

Seule dans la forêt

Il y a qu’elle qui te connaît »

« À côté de la musique, je suis aussi vidéaste et je travaille principalement avec des ONG et des associations. C’est vraiment ma niche. Pendant longtemps, j’ai eu du mal à lier mon quotidien de vidéaste à ma musique, je les voyais comme deux univers totalement distincts. Puis j’ai essayé de rassembler les deux, en réalisant que les deux faisaient partie de moi. J’avais aussi envie d’aborder d’autres thématiques, au-delà de l’amour. » ‒ Coline Blf

Très engagée, Coline Blf allie sa voix et ses mots pour décrire la dualité dans laquelle on se trouve. « Dans la forêt » joue sur l’opposition entre fuite et apaisement, entre mouvement et enracinement, entre douleur et beauté du monde naturel. Elle y exprime le désir de s’éloigner pour trouver refuge dans la forêt, ce lieu protecteur et réconfortant qui lui permet de se retrouver. La dream pop dynamique du morceau traduit cette oscillation entre quête de solitude et besoin d’appartenance.

« Quand je vais mal je me perds

Entre les arbres des ancêtres »

Tout en poésie, elle n’hésite pas à être plus incisive, dénonçant l’hypocrisie des élites face à l’urgence climatique. Avec une basse funky et des paroles acerbes, Coline ne cache ni sa colère ni son désarroi. Le refrain, « Soyons heureux avant que le monde brûle », est l’expression du sentiment d'urgence et d'impuissance face à un avenir incertain.

« En costard-cravate

Tu te prends pour le roi

Seul dans ta tour en velours il n’y a plus rien qui t’arrête

Mais sache que tous les regards sont rivés sur ta tête »

Ces paroles engagées se mêlent à une instrumentation douce, caractéristique de l’univers indie pop de Coline Blf, où se croisent influences vintage et ambiance solaire. Imprégnée de lo-fi, son esthétique rappelle des artistes comme King Krule, Mac DeMarco, Clairo, ou encore Angèle tant par le grain de ses pistes que par sa manière d’habiter sa voix. Pour enrichir ses compositions, elle s’est entourée de musiciens talentueux : Elisa Samoy au saxophone, Mazarine Haarscher au clavier, Romain Toisoul à la guitare ou encore Noé Peigneur à la batterie. Une collaboration qui donne à son EP une texture organique et chaleureuse.

« Ma grosse influence au niveau musical, c’est Men I Trust. C’est aussi l’inspiration principale de Romain Toisoul, mon bras droit, et j’adore ce qu’ils font. », nous confie Coline. « Pour ce projet, la grande différence avec le premier EP, c’est qu’il y a beaucoup de vrais enregistrements en live. Il y a quelques samples de batterie mais tout le reste est live : du vrai saxophone, de vraies guitares... C’est hyper organique et c’est exactement ce que je voulais pour ce projet. »

Si À la folie fait référence aux tumultes de l’amour, il résonne également comme un écho à la folie du monde contemporain. Avec des influences assumées, Coline Blf impose un style authentique et éthéré. La douceur de sa musicalité sert de paravent à des paroles profondes et engagées, donnant à son projet une portée à la fois intime et universelle, à la croisée de la poésie et de l’engagement.

« La musique est un moyen d’action efficace, mais malheureusement sous-exploité. Il existe déjà pas mal de morceaux engagés, notamment pour les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+, ce qui est une très bonne chose. En ce qui concerne les crises environnementales, elle n’est pas encore assez mise à contribution. Pourtant, la musique passe en radio, permet de donner des interviews, et ses acteurs bénéficient souvent d’une certaine médiatisation. Il faut utiliser cette forme d’art pour faire passer des messages ! »

Coline Blf

À la folie

Hydr, 5 février 2025

17 minutes 51