Après la perte de leur enfant, un couple (Charlotte Gainsbourg et Willem Dafoe) décide de se retirer dans un chalet isolé pour faire leur deuil. D’entrée, l’histoire de Antichrist est d’une profonde noirceur. Nous sommes en 2009 et Lars von Trier traverse un état de dépression important . Cet état influencera de manière significative la réalisation de son film. Ici, rien n’est optimiste, tout est chaos.

Les premières minutes donnent le ton de ce que sera Antichrist . Dans une séquence filmée au ralenti dans un noir et blanc très photographique, le couple s’adonne à des ébats sulfureux dans la salle de bain. Au même moment, leur enfant quitte son berceau pour se diriger vers une fenêtre ouverte et tombe. Divisé en chapitres ( Melancholia et Nymphomaniac suivront également cette structure), le prologue pose directement l’enjeu principal du film : le deuil d’un être cher.

La suite nous montre comment le mari, thérapeute, tente de calmer et d’ accompagner sa femme dans l’acceptation de cette perte. Vu que nous sommes chez Lars von Trier, tout ne va pas se passer comme prévu. S’ensuivra une longue et douloureuse descente en enfer, celle d’assumer ce qui ne sera plus. Fortement critiqué lors de sa sortie, Antichrist n’est pourtant pas un film à dénigrer dans son ensemble.

Sa qualité première est son visuel. Les scènes au ralenti invitent à la contemplation du cadre et installent une lenteur qui se perd de plus en plus dans le cinéma d’aujourd’hui. La lumière, sombre et feutrée, offre des plans qui peuvent presque être perçus comme des tableaux.

Le choix des acteurs constitue également un gros point fort. Tandis que Willem Dafoe interpète son rôle avec sobriété, Charlotte Gainsbourg est pleinement habitée par son personnage. Son jeu, déstabilisant et puissant, lui vaudra le prix d’interprétation à Cannes. Le réalisateur, qui n’hésite pas à exiger beaucoup de ses actrices, permet à Björk ( Dancer in the Dark, 2000 ) et Kirsten Dunst ( Melancholia, 2011 ) d’également remporter le prix.

Si Antichrist choque et divise autant, c’est avant tout pour sa scène de sexe et de mutilation. En proie à la culpabilité à la suite de la mort de son fils alors qu’elle faisait l’amour, elle décide de s’exciser et de blesser gravement les parties génitales de son conjoint. D’une extrême violence et d’un réalisme difficile à voir, ce passage est celui qui a valu au film sa sulfureuse réputation.

Lars von Trier n’éprouve aucun scrupule à choquer son audience et à briser les codes, c’est bien là ce qui fait toute sa particularité. Cofondateur du mouvement Dogme 95 (une série de règles cinématographiques visant à s’écarter de certaines tendances dans le cinéma), il a toujours cultivé cette envie de ne rien faire comme les autres. Il suffit de voir certaines scènes dans ses autres films pour bien comprendre que chez lui, un film se vit comme un impact violent.

Antichrist est un film profondément pessimiste, et c’est peut-être là qu’il trouve toute sa singularité. Dans un art aussi singulier que le 7 e art, chaque forme d’expression mérite d’être osée, qu’elle plaise ou non. Qu’on aime ou pas, Antichrist est un objet cinématographique si particulier qu’il serait dommage de passer à côté. Regarder un film c’est cela aussi : pouvoir parfois sortir de sa zone de confort.