Ce qui restera , mis en scène par Héloïse Meire, nous invite dans un univers futuriste. Composée de personnages hauts en couleurs, la pièce dévoile les interrogations modernes d’un monde en changement et qui a aujourd’hui besoin de se remettre en question.
Dans Ce qui restera , six personnages se côtoient : Kim, Eddy, Yuri, Sonia, Axel et son bébé. Habitants d’une île déserte, ils se retrouvent coincés dans un bunker la veille du Nouvel An suite à l’annonce d’une violente tempête. Ce bunker, c’est Alma qui le dirige, l’intelligence artificielle en qui ils ont tous confiance. Alors que chacun installe ses affaires, s’attendant à rester bloqué là quelques heures au maximum, les premières questions se posent : « Que faut-il récupérer ? Que faut-il garder ? Que faut-il aller rechercher dehors au péril de sa vie ? » Chaque personnage se dévoile alors peu à peu, révélant son identité et son passé à travers les objets qui l’entourent. Lorsque l’eau commence à monter et que le danger approche, une nouvelle interrogation se pose : « Que faut-il sacrifier pour sauver sa peau ? »
La compagnie What’s Up, cogérée par Héloïse Meire, Cécile Hupin et Valérie Kohl, nous offre ici une pièce s’intégrant dans un projet en trois parties : « ODMA » (l’Objet De Mon Attention). À l’intérieur de celui-ci, il avait déjà été possible de découvrir une installation performative en mars 2019 au Festival XS, Tout ce que je possède . Une exposition avait également été présentée en janvier 2021 au Musée des Beaux-Arts de Tournai, nommée Êtres et Avoirs . Avec cette pièce présentée d’abord à l’Atelier Théâtre Jean Vilar d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, la trilogie du projet ODMA prend fin. À travers cette initiative, le but était de questionner notre relation aux objets, à la possession. Dans un monde qui change, dans lequel il devient nécessaire de réduire sa consommation, ces questions cruciales brûlent les lèvres. Avec Ce qui restera , nous, spectateurs, sommes amenés à prendre conscience de cette multitude d’objets que nous accumulons, parfois par nécessité et parfois pas. La présence d’Alma, intelligence artificielle qui aide nos personnages et devient elle-même presque un personnage à part entière, permet également d’interroger notre tendance à devenir de plus en plus connecté. De fait, l’appel à Alma pour ouvrir la porte n’est pas sans rappeler nos propres habitudes, demandant à Alexa de mettre de la musique ou d’allumer la lumière. Ces aides du quotidien, qui il y a peu semblaient encore futuristes voire surréalistes, nous entourent et posent aussi question. En s’attaquant à cela, la pièce révèle son dessein de confronter le monde moderne.
Pour interroger cela, Ce qui restera passe par la réflexion de chacun des personnages. En effet, aucun n’a le même avis, ni la même histoire. En cela, ils sont intéressants pour nous permettre de nous situer nous-même. Axel, jeune maman, nous offre par exemple sa vision des choses : impossible de ne rien posséder, il faut que bébé ait tout ce dont il a besoin. Pourtant, alors que le temps passe, bébé semble avoir besoin de bien peu de choses. Faut-il réellement posséder pour être une bonne mère ?
Eddy, de son côté, s’attache aux objets qui le lient encore à son amour décédé. Il traduit cette difficulté à faire son deuil, ce refus de l’oubli. Mais la mémoire n’en passerait-elle que par le matériel ?
Alors que chacun des personnages apporte sa pierre à l’édifice, enrichissant la réflexion, la mise en scène et le décor permettent une vraie immersion dans l’ambiance de la pièce. Le jeu des lumières, ainsi que celui des sons, rythment et élèvent les dialogues. De plus, le traitement humoristique de la pièce permet un juste détachement. En évitant de tout dramatiser, le spectateur ne se braque pas dans un refus de voir la vérité mais, au contraire, il s’ouvre à l’œuvre et se remet en question avec elle.
À la fin du spectacle, une petite exposition est accessible à tous les spectateurs. Celle-ci nous offre, surtout au travers de photographies mais aussi de discours, les objets les plus importants selon des adolescents qu’on a interrogés. Ceux-ci nous ouvrent leurs jardins secrets, révélant l’importance d’objets plus dérisoires les uns que les autres (une casquette, une peluche, un T-shirt…). Ainsi, via cette exposition, notre regard est une fois encore questionné.
Ce qui restera , accompagné de son exposition, nous offre donc bien plus qu’un simple spectacle. Elle nous mène à une véritable introspection tant sociétale que personnelle.