Pas évident de savoir où on en est. Un cinéaste qui ne parle pas beaucoup aura peut-être plus d’aisance à répondre en images. « On fait des films parce que, souvent, il n'y a personne à qui parler. » C’est pas moi, c’est Carax qui le dit. Pourtant C’est pas moi plonge dans ses pensées, ses opinions, ses références, ses souvenirs : l’autoportrait d’un cinéaste qui fête 40 années de création. Éternel recommencement, élan vital. Alors, 40 minutes de montage décousu, à la manière des Histoire(s) du cinéma (1989) de Godard, sauf qu’ici ce serait les Histoire(s) de Leos Carax : plus intelligible, plus cynique, surtout plus personnel mais tout autant obsessionnel et mélancolique.

Celui qui aura été, dans l’imaginaire collectif, tantôt héritier génie de la Nouvelle Vague, tantôt maudit du cinéma, tantôt évaporé, tantôt lauréat de divers Césars, se dévoile plus directement qu’il ne l’a jamais fait, sans pour autant manquer de complexité. Comme son alter ego Alex (Denis Lavant) l’affirme dans Mauvais sang : « C’est si difficile d’être simple ».

Découpé en plusieurs chapitres, on (re)découvre de multiples aspects biographiques, politiques, esthétiques ou passionnels de ce qui fait ce qu’il est : enfance baignée dans le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale et du fascisme, sentiments d’imposture et de solitude, questions sans réponses, nécessité de la musique, Bowie, l’histoire du cinéma, de son cinéma, ou bien Godard, Juliette, Denis Lavant et Monsieur Merde, porteur de la conclusion la plus aboutie à la demande première : « où en êtes-vous, Leos Carax ? »

Le nouveau métrage du créateur des Amants du Pont-Neuf n’impose aucune lecture. Il se regarde comme un clin d’œil pour les amoureux·ses de son cinéma, il se regarde comme une encyclopédie pour les amateur·ices de poésie visuelle, il se regarde peut-être comme une énigme pour celleux qui ne connaissent pas l'univers Carax.