Du même bois de Marion Fayolle
Entre branches et mots
Illustratrice et auteure française reconnue, Marion Fayolle, publie aux éditions Gallimard Du même bois en janvier 2024, un livre qui explore les thèmes de l’amour, de la nature et des liens humains. Par son style minimaliste et épuré, elle réussit à combiner avec brio sensibilité et accessibilité, faisant de son œuvre une expérience humaine avec une touche de lyrisme.
Du même bois est un livre illustré qui suit le quotidien d’une famille de génération en génération. Entourés de bêtes, les protagonistes évoluent et vivent au rythme des paysages qui les entourent. Cette famille sera confrontée à la mort, au chagrin mais aussi à l’amour et aux découvertes, ils trouveront du réconfort dans la nature et toutes ses déclinaisons. Si le début se concentre sur chacun des individus de cette tribu, y compris leurs animaux, on découvre ensuite la génération suivante, et ceux qu’on a découverts enfants grandissent pour à leur tour faire des choix.
Quand on ouvre le livre pour la première fois, on ne comprend pas tout de suite qu’on parle d’animaux et non d’êtres humains. Marion Fayolle réussit à rendre les actions de son livre suffisamment universelles pour qu’elles concernent tous les êtres vivants plutôt que juste nous. Chacune de nos expériences et de nos sentiments trouvent un écho considérable dans ce que ces animaux ressentent et vivent au quotidien. En peu de pages, on commence à apprécier une vache à travers le regard de celui qui s’en occupe. Je pense que c’est le sentiment prédominant : l’amour qui leur est porté nous est transmis, même si ceux-ci ne sont pas dotés de parole. Même quand l’oncle tombe amoureux de sa faisane, on ne peut y voir qu’un homme désespéré et seul qui trouve du réconfort auprès de ceux qui utilisent leurs yeux pour parler. Ils les réconfortent, les rassurent et les accompagnent alors que la vie ne se montre pas tendre.
Marion Fayolle, grâce à son écriture, réussit à faire de la nature et de l’homme un tout. Elle utilise la nature non seulement comme un décor, mais aussi comme un personnage au cœur même de l’action. Cela se réalise grâce à des procédés stylistiques comme l’antithèse, qui permet de créer des expressions où ni la nature ni l’homme ne prennent le dessus, ou encore les métaphores relatives à la terre. Le début et la fin de ce livre sont accompagnés par un magnifique dessin de l’auteure, encadrant l’histoire de manière visuelle et poétique. Même si ce court récit est le fruit d’un travail remarquable, il m’a été difficile de m’y accrocher. Les premiers chapitres manquent de clarté et j'ai eu du mal à appréhender quand chaque protagoniste intervenait.
« Il faut que ça sorte, que ça coule, que ça jaillisse. Sa détresse se répand, descend de sa chambre, dégouline entre les étages. Ses parents ne savent plus comment s’y prendre, ça remonte en eux par capillarité. »
Ce récit forme un tout, un cycle de vie où l’humain grandit, se nourrit, vieillit. Nous sommes donc sur un pied d’égalité avec la nature, et ce récit nous montre à quel point nos cycles sont semblables. L'auteure a réussi à faire de la nature un allié de l’homme. Riche de symbolisme, chaque élément et chaque mot sont destinés à nous plonger au cœur de la nature et de ses aléas, et d’y retrouver une résonance face à ce que nous vivons. Tel la reverdie1, le cycle des saisons et du renouveau symbolise les transformations personnelles et émotionnelles que nous vivons quotidiennement.
« Elle a la même silhouette que le prunier du jardin, celui qui croule sous trop de fruits, qui s’affaisse sous le poids de sa générosité. Ses bras, son dos, ses jambes sont fatigués d’avoir passé toute une vie à donner. »
Marion Fayolle s’impose avec Du même bois comme une figure incontestable de l’illustration contemporaine. Elle réussit à susciter émotions et interrogations chez son public, par ses procédés d’écriture, ses dessins et sa faculté à redéfinir l'essence même de ce qui nous entoure. J'ai aussi succombé à ses magnifiques descriptions. On porte attention au paysage dans lequel nous sommes transportés et prenons plaisir à découvrir un quotidien qui nous est inconnu, redécouvrant la nature d’un œil nouveau.